Festival de Bayreuth : Lohengrin sauvé par le chant

- Publié le 12 août 2018 à 10:36
Home
Les adieux de Waltraud Meier au Festspielhaus, Piotr Beczala et Anja Harteros sur la plus haute marche : le plateau vocal du nouveau Lohengrin présenté par le Festival de Bayreuth rachetait un spectacle d'une rare indigence.

Au cas où vous n’auriez pas suivi : Roberto Alagna ayant déclaré forfait quelques semaines avant la première, c’est son confrère Piotr Beczala que la direction du Festival de Bayreuth a appelé à la rescousse. A-t-on perdu au change ? Pas si sûr. Le Polonais offre en effet le plus latin des Lohengrin entendu depuis des lustres, drapé dans un lyrisme solaire et onctueux, pas Heldentenor pour un sou (l’anti-Kaufmann, en somme). Un chanteur ? Non, un poète, invoquant, excusez du peu, les mânes d’un Sandor Konya.

Aux côtés de cet astre, si Anja Harteros n’a plus l’once d’angélisme qui rendait inoubliables ses premières Elsa, on s’incline toujours jusqu’à terre devant la noblesse blessée de ce grand soprano, ce style et ce port de reine. Elle a pour rivale une Waltraud Meier qui, même en voix amincie, trouve on ne sait où la ressource de quelques imprécations glaçantes : victoire à l’applaudimètre pour cette Ortrud qui fait ce soir ses adieux au Festspielhaus.

Projetant avec morgue son timbre aigri, Tomasz Konieczny est inégalable dans les emplois de méchant, ce que démontre une nouvelle fois son Telramund. Roi Henri naturellement souverain de Georg Zeppenfeld, voguant sur une mer de legato. Et Héraut luxueux de Egils Silins, dont le verbe porte loin.

Au pupitre, Christian Thielemann n’a pas son pareil pour faire monter la tension dans les climax, jouissant d’un orchestre et d’un chœur qui restent parmi les meilleurs au monde. Mais ce geste efficace, un rien carré, n’évite pas quelques baisses de régime, peinant parfois à unifier les éléments disparates de la partition.

Premier Américain à réaliser une mise en scène à Bayreuth, Yuval Sharon laissera son nom dans l’histoire du festival surtout pour y avoir commis le pire chef-d’œuvre de comique involontaire. Dans son spectacle, le Brabant est une terre en déshérence privée d’électricité. Le principal élément de décor sera donc un transformateur en panne. Heureusement, Lohengrin débarque et remet le courant, avant d’affronter Telramund en fendant les airs comme dans Star Wars, lui arrachant une aile au passage – car tous les protagonistes portent des ailes de libellule, ne me demandez pas pourquoi. Adepte du bondage, le Chevalier au cygne ligotera Elsa pendant leur nuit de noces. A la fin, ce n’est pas Gottfried qui reparaît, mais le bonhomme vert de la publicité pour Cetelem (incarnation de l’énergie propre ?). Le tout à l’avenant, devant des toiles peintes kitchissimes qui nous ramènent à l’opéra de grand-papa. Franchement : Wagner ou les Monty Python ?

Lohengrin de Wagner. Bayreuth, Festspielhaus, le 10 août.

Diapason