Concours Long-Thibaud-Crespin : comment juge-t-on les candidats ?

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Concours Long-Thibaud-Crespin : comment juge-t-on les candidats ?

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Daniel Kogan sur la scène de l'Auditorium de la Maison de la Radio lors de l'épreuve récital
Daniel Kogan sur la scène de l'Auditorium de la Maison de la Radio lors de l'épreuve récital
© Radio France - M.Lesnie

Cette année, le Concours Long-Thibaud-Crespin est consacré au violon. Près de 50 candidats du monde entier viennent jouer dans la salle Cortot et à l’Auditorium de Radio France un programme exigeant devant un jury de professionnels. Comment ces derniers font-ils pour départager les candidats ?

Le Concours Long-Thibaud-Crespin accueille à Paris une cinquantaine de candidats venus du monde entier. Dès les premiers jours, un écrémage se fait et seuls six musiciens pourront accéder aux épreuves finales. Face aux violonistes, un jury composé d’une trentaine de professionnels écoutent, notent, et délibèrent avant de décider qui continue l’aventure, et qui s’arrête en chemin. Jusqu’aux épreuves finales où les membres du jury doivent décerner le prestigieux 1er grand prix Jacques Thibaud, du nom du violoniste français fondateur du concours.

« Pour être juré, il faut avoir une oreille musicale, de l’expérience, écouter et connaître la musique, avoir des sensibilités artistiques… », témoigne une des jurés, Alena Baeva, violoniste russe choisie par Renaud Capuçon, président du jury. « Cela vient aussi d’un désir d’être ouvert à de nouvelles expériences musicales », poursuit la musicienne. 

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Il faut être là comme un professeur mais aussi comme un collègue.

Une expérience éprouvante car le concours dure 10 jours et que les jurés ont parfois plus qu’un rôle d’examinateur : « Il faut être là comme un professeur mais aussi comme un collègue », raconte une autre jurée, la violoniste russe Liana Gourdjia qui aime bien échanger avec les candidats écartés. « Tous les concours ne proposent malheureusement pas ce temps d’échange. Dimanche, j’ai pu discuter avec eux et c’est super de pouvoir les rencontrer après les épreuves. Parfois on ne comprend pas les décisions du jury donc il faut leur donner des explications claires. Puis on déborde du cadre du concours, on parle d’avenir… », poursuit la musicienne. 

Les candidats, pour la plupart, ont déjà passé des concours internationaux, ils sont rodés à l’exercice. Mais ils sont aussi très jeunes, d’où le rôle d’accompagnement du jury après certaines épreuves : « Je leur lis mes notes, leur donne mon impression et leur dit comment s’améliorer ou revient sur ce qui ne va pas », explique Alena Baeva. Des paroles rassurantes quand on sait que le jury peut, en l’espace de quelques secondes, se faire un avis sur un candidat.

Une décision prise en quelques secondes...

« Il y a une chose instantanée, c’est la sonorité », raconte Renaud Capuçon. « A travers la sonorité d’un interprète, j’entends l’ADN, la personnalité du musicien. Et ça s’entend en l’espace de quatre notes ». La plupart du temps, les candidats qui se démarquent sont de l’ordre de l’évidence : « Le vrai talent, on le reconnaît tout de suite. Mais il n’est pas présent dans tous les concours », poursuit Alena Baeva. 

Il faut rester objectif sauf sur la justesse, le rythme et la partition.

Et quand il n’est pas là, ce talent, le jury doit compter sur d’autres éléments pour établir leur jugement : « Il faut rester objectif sauf sur la justesse, le rythme et la partition », estime Liana Gourdjia. Un avis pas forcément partagé par sa collègue jurée Alena Baeva qui « se moque si quelque chose ne se passe pas bien d’un point de vue technique » car « cela fait partie de la performance ». Si la première est plus sévère sur les erreurs d’un candidat, c’est aussi une manière de le protéger : « Un musicien, c’est un être humain. Certains sont solides, ils peuvent faire n’importe quel programme, dans n’importe quelle situation, puis il y en a d’autres qui ne sont pas fait pour les concours or ils sont parfois superbes ! Seulement au violon, si la justesse manque chez un candidat, il ne supportera pas les prochaines épreuves devant l’orchestre, ou pour un récital d’une heure, c’est trop de pression. »

Les six finalistes sont donc soumis à une forte pression pour les dernières épreuves, à gérer avec la fatigue qui s’accumule et un programme exigeant. Mais du côté du jury, ce qui ressortira ce sera une « personnalité musicale » selon les mots du président du jury Renaud Capuçon, « un musicien qui exprime quelque chose de fort, raconte une histoire et nous fait oublier qu’on est assis à une table avec un stylo et un papier ». 

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