La musique des voyages

par

La Musique des Voyages,  Corinne Schneider. Fayard Mirare 2018, 231p., 15 euros.

La musique des voyages : à première vue, un thème si vaste et si flou se prête difficilement au format d’un petit ouvrage. Pourtant, l’avant-propos -en moins de dix pages- parvient à explorer et exposer toutes les acceptions possibles de l’idée de voyage en musique pour centrer finalement le sujet sur « les dimensions du voyage réel » et le trajet emprunté par les compositeurs globe-trotters occidentaux et tout particulièrement « ceux des XIX e et XXe siècles ». C’est d’une plume sûre, précise et fluide, appuyée sur une érudition qui ne pèse jamais, que Corinne Schneider relève le défi. Une première partie est consacrée à « L’invitation au voyage » qui évoque les multiples raisons de se déplacer : études, postes lointains, tournées, ethnomusicologie, Expositions universelles ou villégiatures et autres cures thermales. Puis sont abordées les conditions de transport : ainsi des pérégrinations du claveciniste Froberger (1616-1667) à travers l’Italie, Vienne, Paris, Londres, Bruxelles lui inspirant notamment l’Allemande de la Suite XIV en sol mineur « lamentation sur ce que j’ay été volé et se joue à discrétion et encore mieux que les soldats m’ont traité ». On sait l’importance que les épopées par mer, fleuves, chemins de fer… ont eu sur l’inspiration musicale grâce aux journaux, correspondances ou mémoires de Berlioz, Liszt, Wagner ou Offenbach jusqu’à Honegger, Steve Reich en passant par le style « teuf-teuf » (staccatos des bassons) que Vincent d’Indy glisse dans son Poème des rivages, op.77. Le chapitre sur les instruments nomades permet de suivre les exploits de la violoncelliste Adèle Clément (1884-1958) jusqu’en Algérie, au Maroc, en Extrême-Orient, aussi intrépide qu’ingénieuse, ayant inventé un violoncelle muet (sans caisse) entièrement démontable lui permettant de travailler en toute circonstance. Le facteur de piano Henri Hertz (1803-1888) se fait, lui, l’émule de Lucky Luke : en pleine « Ruée vers l’or », il est en effet le premier pianiste européen à se produire en Californie après avoir vendu nombre de ses instruments à travers le continent américain. S’impose surtout la figure de l’infatigable compositeur virtuose Gottschalk qui joue à Panama City en 1865 sur un piano qu’il décrit comme « le mariage d’un chaudron et d’une guimbarde » et parcourt jusqu’aux extrémités du monde, organisant des concerts invraisemblables. Tel celui de Montevideo où sa symphonie éponyme réunit quinze tambours, six grosses caisses, six cymbales, trois orchestres à cordes, cinquante chanteurs, vingt-quatre pianistes et un peloton de tirailleurs qui tirent une décharge dans le dernier mouvement évoquant… une bataille ! La musique du grand-large fait l’objet d’un chapitre qui, logiquement, rend hommage à Rimski-Korsakov, Albert Roussel, Jean Cras ou Antoine Mariotte. La deuxième partie, un peu plus encyclopédique, propose un tour du monde en 80 œuvres au fil des continents. On y croisera aussi bien Saint-Saëns que Delage, Gerschwin ou Stockhausen. Un petit ouvrage habilement conçu qui ouvre sur l’immensité avec autant de maestria que de de simplicité.

Bénédicte Palaux Simonnet

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