Jean-François Laguionie, un poète de l’animation honoré à Annecy

Quelle semaine pour Jean-François Laguionie ! Une avant-première mondiale, un Cristal d’honneur et la diffusion de son film précédent sur Arte…

« Je ne sais pas qui je dois remercier. Le festival qui me remet cette chose magnifique… Ou le public qui m’a soutenu. »

Plus amusé que véritablement ému par l’événement, le cinéaste a opté pour le public, tant les vivats de la salle de Bonlieu étaient nombreux. Même les avions en papier, traditionnellement lancés par les nombreux étudiants en école d’animation, ont interrompu leur vol le temps de la brève cérémonie…

« Je ne vais pas faire le vieux numéro du réalisateur qui trouve que c’était mieux avant, mais la première fois que je suis venu à Annecy, c’était en 1963. Et il n’y avait pas autant de festivaliers qu’aujourd’hui. Pour tout dire, lors d’un pique-nique organisé à la montagne, nous tenions dans deux autocars ! Des bus où se côtoyaient Norman McLaren, Jiri Trnka ou Paul Grimault »

Deux ans plus tard, ce disciple de Grimault (Le Roi et l’oiseau) obtient le Grand Prix du festival pour le court métrage La Demoiselle et le Violoncelliste, sa première réalisation. Mais la consécration vient en 1979 avec La traversée de l’Atlantique à la rame, Palme d’or et César du meilleur court-métrage. Cette allégorie drôle et cruelle sur la vie de couple n’a pas pris une ride.

Dessinateur émérite, adepte d’une ligne claire à la lisière de l’art naïf, Jean-François Laguionie aime les couleurs douces et les tons pastel. Il met en scène ses dessins avec soin et avec une grande économie de mouvement, selon des méthodes restées longtemps artisanales.

Mais ce qu’il aime avant tout, c’est raconter des histoires. « Dans l’animation, le dessin, l’esthétique du film, a tendance à prendre le pas sur le scénario. Je veux, modestement, faire différemment. Ma liberté, je la trouve dans l’histoire », expliquait-il lors d’une formidable rencontre au Piaff, festival parisien, en 2016.

Un désir de liberté qu’il insuffle à ses personnages de longs-métrages. Dans Louise en hiver qui avait ému Annecy en 2016, il poussait une vieille dame élégante sur les plages désertes de la robinsonnade.

Arte a la bonne idée de le diffuser ce mercredi 12 juin à l’antenne et sur son site, pendant une semaine. Ne le loupez pas, il est ci-dessous:

Méditation d’une tendresse infinie sur les dernières étapes de la vie, sur la mémoire et sa perte, ce film bouleversant était une ode à la découverte de la liberté. Pour en savoir plus, une interview réalisée avec Flavien Edenne permet d’entendre le cinéaste sur la longueur ci-dessous :

Trois ans plus tard, à bientôt 80 ans (en octobre), Jean-François Laguionie est revenu présenter un nouveau film, son sixième, Le Voyage du prince (coréalisé avec Xavier Picard), en séance événement, ce mardi 11 juin.

J’ai eu l’occasion de vous présenter il y a deux ans un extrait de l’animatique, ainsi qu’un extrait exclusif de cette prolongation du Château des singes (1995). Voici à nouveau ci-dessous :

En dépit de quelques imprécisions scénaristiques et une voix off parfois trop présente, ce conte philosophique et politique témoigne, avec une ironie mordante, de la folie des hommes, à travers le principe de l’étranger observant les us et coutumes d’une civilisation inconnue de lui.

Conçu sous forme de journal de voyage, le film démarre avec la découverte du Prince qu’on a connu dans le Château des singes échoué sur un rivage inconnu. Blessé et perdu, il est retrouvé par le jeune Tom et recueilli par ses parents, deux chercheurs contraints à l’exil. Le Prince, guidé par son jeune ami, découvre avec enthousiasme et fascination une société pourtant figée et sclérosée…

Le voyage du prince est fidèle au style de Jean-François Laguionie. Le rendu de l’animation en images de synthèse (3D) est celui de la 2D traditionnelle, tandis que les souvenirs du prince ont un rendu plus pictural. Le tout est sublimé par des décors somptueux et une composition musicale élégante signée Christophe Héral. Le film sort le 4 décembre.

En attendant, le cinéaste travaille déjà sur son 7e long-métrage, Slocum, deuxième partie d’un diptyque dont Louise en hiver était le versant maternel. A suivre…

Stéphane Dreyfus

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