De jeunes autistes communient avec des musiciens de l’Opéra

L’Opéra de Marseille, l’association Réso-nance numérique et l’Institut médico-éducatif Vert Pré encadrent depuis deux semaines des ateliers
de pratique musicale. Quand le classique et l’électro parviennent
à émanciper de jeunes adolescents dont la fougue se canalise au rythme de la Brut Box.

27/11/2020 | 07h30

Quelque part entre Sainte-Marguerite et le Cabot (9e arrondissement), une enseigne colorée indique La Fabrik. Un espace dévolu à l’expression artistique de jeunes amateurs en situation de handicap, pris en charge par l’Institut médico-éducatif Vert Pré.

Âgés entre 13 et 21 ans, Hassan, Othman, Manel, Hasna, Hosna et Amélie sont sujets à des « troubles autistiques et mentaux ». Tous font face à une scène improvisée, où officient des musiciens de l’orchestre philharmonique de Marseille : le joueur de basson, Stéphane Coutable, le violoncelliste François Torresani, ainsi que le percussionniste multi-instrumentiste Alain Bordes. Un trio accompagné par Éric Dode, derrière les machines.

Entre les deux groupes, des petits boîtiers cubiques câblés aux instruments sont posés sur une table : les Brut Box. « Ce sont des interfaces numériques avec un système électronique et des sons préenregistrés. Par des gestes simples, les jeunes peuvent modifier et moduler le son des musiciens », explique Morgane Fouret, chargée des projets culturels à l’Opéra de Marseille. Intuitive au possible, la Brut Box permet aux six jeunes gens de s’exprimer à travers la musique. Et surtout d’être intimement liés aux musiciens qui leur font face. Véritables « interfaces versatiles », elles démontrent, s’il fallait encore le prouver, que la musique peut être l’apanage de tous.

Connexion profonde

Les musiciens lancent un air plus ou moins familier, l’une de leurs créations : Gymnoléro. Elle mêle l’une des Gymnopédies composées par Erik Satie en 1888 et le célèbre Boléro de Ravel.

Appuyant sur un bouton rouge de la Brut Box, Hassan gère les claviers. Othman module quant à lui le son par le biais d’un laser. « Plus il est haut et le son est doux, plus il est près du boîtier et le son est amplifié », précise Ruben, éducateur à l’Institut médico-éducatif Vert Pré. « Tu peux caresser ou taper. Avec les capteurs, plusieurs effets sont possibles », s’adresse Éric Dode à Othman. Par le biais de la Brut Box, jeunes amateurs et musiciens professionnels sont intimement liés et complices. Connectés par la technologie et la musique. Presque de manière alchimique, comme le suggèrent les regards bienveillants et habités de chacun d’entre eux.


« Appuyer sur les boutons, ça nous donne de la force »

Cette énergie collective, toute la salle de La Fabrik la ressent, chacun hochant de la tête, ou tapant frénétiquement des mains. Un exutoire pour tout le monde. « L’expression artistique, ça ne peut qu’être bénéfique », abonde Ruben, tandis que des airs de Rossini, puis Prokofiev embaument l’atmosphère.

Assis sur un canapé de la pièce, les collègues semblent apprécier une symphonie orchestrée par des musiciens aguerris mais animée par le groupe de jeunes. Prise par l’effusion, Manel se laisse même aller à prendre le micro pour pousser la voix. « Quand on appuie sur les boutons, ça nous donne de la force, ça nous fait du bien », soulignent Othman et Hosna. Une représentation publique, « devant une micro-jauge », parachèvera leur apprentissage ce lundi. « J’ai un peu le trac, je vais faire venir mon éducatrice et des jeunes de mon groupe », confie Hosna. « Mais quand je fais de la musique, ça m’apaise. »