L’Orchestre philharmonique de Buffalo accusé de racisme… en voulant promouvoir la diversité

- Publié le 21 septembre 2021 à 14:10
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L'orchestre américain a déposé sur son site l'annonce d'une bourse destinée à un chef d'orchestre, qui devra forcément être issu de la diversité. L'initiative relance le débat sur le bien-fondé de la discrimination positive dans la musique classique. 

Une étape de plus dans la quête de diversité ? Le Buffalo Philharmonic Orchestra (BPO) a posté sur son site Internet une annonce afin de proposer un contrat de « Conductor Diversity Fellowship ». Le chef d’orchestre recruté obtiendra une bourse de deux ans qui devrait lui permettre d’acquérir « une expérience professionnelle inestimable dans le cadre d’un programme structuré qui favorise son apprentissage et son développement », indique l’annonce. « Il participera à une formation structurée et à un développement professionnel tout en étant un membre de l’équipe artistique. […] Le candidat retenu doit avoir une connaissance approfondie du répertoire orchestral, une passion pour la musique classique et la capacité de développer une programmation imaginative qui encourage l’éducation musicale pour tous les âges. Il doit également faire preuve d’un engagement ferme en faveur de l’équité, de l’inclusion et de la diversité dans les arts ». Jusque là, rien de bien surprenant.

Pour les « membres de groupes historiquement sous-représentés »

Mais un autre élément a attiré l’attention de divers médias. Au paragraphe sur l’« éligibilité » des candidats, il est précisé que peuvent prétendre à ce poste « Les citoyens américains ou les résidents légaux permanents qui s’identifient comme membres de groupes historiquement sous-représentés dans les orchestres américains, y compris, mais sans s’y limiter, les Afro-Américains, les Hispaniques, les Amérindiens, les Amérindiens d’Alaska, les Amérindiens hawaïens ou les insulaires du Pacifique. » Il n’en fallait pas plus pour faire bondir certains internautes qui dénoncent sur les réseaux sociaux un « racisme pur, simple et décomplexé » ; la violoniste d’origine asiatique Zhang Zhang a par ailleurs partagé l’information sur Twitter en commentant « Au moins, ils le disent clairement dès le début », agrémenté des hashtags « #racisme #descrimination #musique #musicians #cancelculture ». Le média conservateur National Review y voit « l’une des tentatives les plus effrontées d’un orchestre américain pour expurger l’histoire de la musique classique de son racisme en utilisant l’outil du racisme. »

Bourse ou emploi déguisé ?

Si, comme le signale le journal belge La Libre, « l’initiative du BPO n’est pas nouvelle », puisque de nombreuses institutions américaines ont développé des programmes afin « de créer de nouvelles voies d’accès pour les jeunes artistes issus de minorités afin de remédier aux déséquilibres raciaux », la particularité de cette annonce est qu’elle concerne un emploi, même si elle s’apparente à une « bourse » : « Sa rémunération », note National Review, « qui se compose d’une « allocation logement » et d’une « allocation de subsistance », ainsi que d’avantages médicaux, correspond à un salaire compétitif sur le marché pour un poste de chef d’orchestre assistant dans un orchestre régional américain de taille moyenne : 35.000 dollars. » Le média ajoute qu’« un observateur impartial soupçonnerait que l’étiquette « bourse » a été appliquée à ce poste principalement dans le but de brouiller suffisamment les pistes juridiques pour permettre à l’orchestre de pratiquer la préférence raciale à l’embauche. » La loi fédérale américaine proscrit en effet la discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’origine ou la religion dans le domaine du travail.

Alors que de nombreux orchestres américains cherchent à mettre en avant la diversité dans leur programmation et que, chez nos voisins britanniques, l’English Touring Orchestra souhaite la promouvoir dans ses rangs, la légitimité de la fin ne fait pas de doute : c’est plutôt celle des moyens qui pourra interroger.

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