Les rues liées à Richard Wagner bientôt débaptisées à Berlin ?

- Publié le 12 janvier 2022 à 11:41
C’est en tout cas ce que préconise le délégué berlinois à l'antisémitisme Samuel Salzborn, qui a listé au total 290 noms de rue qui seraient problématiques.

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Après Munich, après Salzbourg, c’est au tour de Berlin de s’attaquer au nom de certaines rues. Cette fois, il ne s’agit plus seulement de s’interroger sur les liens avec le IIIe Reich des personnalités qui ont donné leur nom à des lieux de la ville, mais d’examiner tout propos supposément antisémite. Se trouvent ainsi dans le liste présentée par Samuel Salzborn, délégué berlinois à l’antisémitisme, Goethe, Bismarck, Luther, Charles de Gaulle, Calvin, Voltaire, Richard Strauss, les frères Grimm, Richard Wagner, Mörike… Pour chacun, le dossier précise s’il faudrait poursuivre les recherches (c’est le cas, par exemple, pour De Gaulle ou Goethe), apporter des éléments de contexte (Strauss) ou purement et simplement débaptiser les lieux (Luther).

Dans cette dernière catégorie, Richard Wagner occupe une place de choix. Il est vrai que le compositeur ne faisait pas mystère de son antisémitisme… et qu’il a donné son propre nom à une rue et une place berlinoises, auxquelles s’ajoutent les rues Rienzi, Tannhäuser, Walküre, Lohengrin, Stolzing (emprunté aux Maîtres chanteurs), ainsi que la place Cosima, du nom de son épouse.

« Je trouve cela ridicule »

La proposition de supprimer les noms de rue en lien avec Wagner n’est pas du goût de tout le monde. Ainsi, le metteur en scène Barrie Kosky a réagi avec force dans une longue interview au Berliner Zeitung. « Richard Wagner est l’un des artistes les plus importants de tous les temps, cela ne fait aucun doute. Il est aussi important que Bach. Il a révolutionné la musique. En même temps, l’homme est insupportable », a-t-il déclaré. À la question de savoir si l’antisémitisme du compositeur se reflète dans ses œuvres, le metteur en scène répond positivement : « Wagner n’a pas seulement écrit de la musique, mais aussi du théâtre musical. Cela signifie qu’il y a du texte, des mots […] Il faut complètement nier la réalité si l’on ne veut pas voir qu’il y a des éléments et des tendances antisémites dans ses opéras. »

Pour autant, Barrie Kosky, qui clame haut et fort sa judéité, s’insurge : « Je trouve cela ridicule. Ma première réaction a vraiment été de rire aux éclats […] Ma deuxième réaction a été la colère […] Je trouve horrible que quelqu’un fasse des listes dans l’Allemagne du XXIe siècle. Nous avons vu suffisamment de listes allemandes au XXe siècle. » Et d’ajouter : « Wagner a causé beaucoup moins de problèmes aux juifs en Allemagne que les églises catholique et protestante pendant 2000 ans. Les Eglises ont plus de sang juif sur les mains que les 300 personnes de la liste réunies. Je ne connais pas M. Salzborn, mais je ne veux pas entendre une fois de plus un non-juif dire ce qui est antisémite. »

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