A Bordeaux, le printemps des quatuors à cordes

- Publié le 18 mai 2022 à 18:03
Rebaptisé Vibre ! et doté d’une nouvelle direction artistique (le Quatuor Modigliani succédant au violoncelliste Alain Meunier), le Festival Quatuors à Bordeaux s’accompagnait cette année de la dixième édition de son Concours international, fondé en 1999 et devenu triennal à partir de 2007.
A Bordeaux, le printemps des quatuors à cordes

Magistrale réussite que cette manifestation ! Tous les ingrédients étaient en effet réunis : les qualités techniques et artistiques des dix jeunes formations candidates venues du monde entier, le lieu – l’Auditorium de l’Opéra de Bordeaux, à l’acoustique idéale pour le quatuor à cordes –, le public, attentif, passionné, rajeuni et sensiblement plus nombreux que lors des éditions précédentes.

Deux rencontres d’anthologie ont illuminé une semaine pourtant riche en découvertes et en moments forts. Celle du Quatuor Modigliani himself avec Antoine Lederlin, violoncelliste du Quatuor Belcea, dans un programme Schubert de haut vol (Quatuors n°4 et n° 11, Quintette en ut). Celle réunissant les membres du jury, avec, outre Lederlin, les violonistes Amaury Coeytaux (du Quatuor Modigliani) et Gabriel Le Magadure (Quatuor Ebène), les altistes Veronika Hagen (Quatuor Hagen) et Ori Kam (Quatuor de Jérusalem), le clarinettiste Nicolas Baldeyrou et la pianiste Momo Kodama : tous ont offert une leçon de style et de juste richesse expressive, aussi bien chez Dvorak (Terzetto) et Mozart (Trio « des Quilles » KV 498) que dans des pages de Prokofiev (Ouverture sur des thèmes juifs) ou Schumann (Quintette op. 44).

Un cœur de lion dans un quatuor

Si ce n’est que simple justice de relever le potentiel et les atouts certes perfectibles du Quatuor Mona (France) – remarquable Quintette KV 581 de Mozart avec Nicolas Baldeyrou – ou du Quatuor Adelphi (Autriche) – poignant et raffiné Quatuor n°2 de Bartok –, le choix des trois magnifiques ensembles finalistes s’impose, même si l’ordre retenu par le jury n’éclate pas d’évidence. Premier Grand Prix, et déjà lauréat à Londres un mois auparavant, le Quatuor Leonkoro (« Cœur de lion » en espéranto), venu d’Allemagne, subjugue par une précision d’archet qui ne vient habituellement qu’aux formations de grande maturité, après des dizaines d’années de travail. Leur virtuosité brillantissime et volontiers spectaculaire dans le Quatuor n° 9 de Beethoven enthousiasme l’auditoire, mais leurs interprétations plus approfondies et poétiques de Webern (Cinq mouvements op. 5) et plus encore de Schumann (Quatuor n°3) nous semblent autrement révélatrices.

Deuxième prix, le Quatuor Chaos (Autriche) électrise par la lumière irradiante et crue, l’énergique clarification des lignes, conférées autant au Quatuor n°1 « Métamorphoses nocturnes » de Ligeti qu’à Terra Memoria de la Finlandaise Kaija Saariaho, partition substantielle et puissamment colorée, créée en 2007 par les Emerson.

Troisième prix, le Quatuor Barbican (Royaume-Uni) nous est apparu à bien des égards le plus intimement musicien de la confrontation, sachant dans Mozart (Quintette KV 581) comme dans Brahms (Quatuor n°2) concilier admirablement intégrité et inventivité, et parvenant à rendre aussi limpide qu’incandescent, aussi intense qu’intériorisé, un splendide Quatuor n°8 de Beethoven.

Festival de Quatuors à cordes de Bordeaux. Auditorium, du 11 au 15 mai.

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