Orchestre national de Lyon : le Mahler grandiose de Nikolaj Szeps-Znaider

- Publié le 21 juin 2022 à 16:28
Le directeur musical de la phalange lyonnaise a conclu la première saison complète de son mandat en dirigeant la Symphonie n° 2 « Résurrection ». Une lecture d’une sûreté de conception impressionnante.
Orchestre national de Lyon : le Mahler grandiose de Nikolaj Szeps-Znaider

Nikolaj Szeps-Znaider a vu grand en programmant la Symphonie n° 2 « Résurrection » de Mahler pour le concert de clôture de sa première année de plein exercice, COVID oblige, avec l’Orchestre national de Lyon – et après avoir enchaîné au cours du mois dernier le cycle Ma patrie de Smetana, une création d’Olga Neuwirth, La Mer de Debussy et la 8e de Dvořák, entre autres. Le (deuxième) concert a confirmé la complicité vraie qui l’unit à ses musiciens, comme le splendide accomplissement collectif de ces derniers. D’une sûreté de conception impressionnante, sa lecture ferme et précise caractérise chaque détail, tout en l’inscrivant dans une vision d’ensemble pleine et harmonieuse.

Dès l’Allegro moderato, abordé de manière volontaire et dramatique, mais exempt de tout empois postromantique excessif, il privilégie un tempo allant, des phrasés fluides et narratifs. L’articulation est soignée, la gestion de la tension magistrale sur le temps long – ce qui évoque une des qualités foncières de Znaider comme violoniste. Pour le synthétiser (trop) rapidement, il est ici plus proche, mettons, de Chailly à Leipzig que de Bernstein à New York. Sa lecture très bien pensée, rythmiquement très structurée, met la forme en valeur sans la figer pour autant. Sa simplicité si communicative ne signifie pas absence de subtilité. Ainsi, l’attention portée aux textures est un enchantement dans l’Andante moderato, qui respire librement, mais, là encore, sans traîner. Sans effort apparent, Znaider suscite de ses musiciens un jeu tout en écoute mutuelle (ainsi, par exemple, le contrechant des violoncelles qui, après le second épisode, accompagne le retour du thème principal) – c’est d’autant plus remarquable que ceux-ci, on le sait, ne s’entendent pas aisément sur la scène du vaste Auditorium lyonnais. Il est relayé dans ses intentions par le formidable premier violon supersoliste, Jennifer Gilbert, sœur du chef d’orchestre Alan Gilbert.

Eclat jamais factice

De même, timbres et contrastes (timbales, petite flûte, clarinettes) sont exposés dans le troisième mouvement avec un éclat jamais factice. Ses toutes dernières mesures ouvrent la porte d’un « Urlicht » de toute beauté ; si Anna Larsson n’a plus tout à fait la projection et l’ampleur de naguère, la splendeur du timbre demeure, et l’émotion imprègne chaque mot – la première phrase, « O Rôschen Rot ! » est d’une intériorité saisissante. Znaider déploie la succession des épisodes et des climats de l’immense finale jusqu’à l’apothéose conclusive avec les mêmes clarté et assurance – les interventions des musiciens placés en coulisse nous parviennent elles aussi avec une présence et un relief inusités. La lumière de Miah Persson y rejoint l’étoffe sombre de Larsson, et les deux chœurs (Spirito, préparé par Nicole Corti, et le Jeune chœur symphonique, par Pascal Adoumbou et Tanguy Bouvet) sont à l’unisson sensible du raffinement dynamique et expressif de l’orchestre.

En vérité, Znaider a fait de ce concert une expérience totale, où la sensation de la durée semblait abolie. Exprimons-le autrement : si, ce soir-là, un jeune auditeur a découvert la Symphonie « Résurrection », il l’a entendue dans la plénitude de sa grandeur et de son imaginaire expressif – il découvrira ensuite qu’elle se prête à des éclairages toujours renouvelés. Concert de haut vol, salué par une ovation debout, qui a souligné le niveau actuel admirable de l’Orchestre national de Lyon, chaleureusement salué par Znaider lui-même dans la joyeuse fête de fin de saison qui suivait.

Mahler par Miah Persson, Anna Larsson, Nikolaj Szeps-Znaider, Spirito, le Jeune chœur symphonique et l’Orchestre national de Lyon. Auditorium de Lyon (l’AO), le 18 juin.

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