Livre : Donizetti et la France

- Publié le 5 août 2022 à 11:38
Récemment gratifié du Grand prix du Prix du livre France Musique, l'ouvrage de Stella Rollet se penche sur la « réception ambiguë » de l'œuvre du compositeur italien à Paris, entre 1831 (année de représentation d’Anna Bolena au Théâtre-Italien) et 1897 (centenaire de sa naissance).
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Parmi les Italiens qui se sont illustrés à Paris au XIXe siècle, de Rossini à Verdi en passant par Bellini, Gaetano Donizetti serait-il le mal aimé, dédaigné par certains de ses contemporains et la postérité ? Stella Rollet s’est penchée sur la « réception ambiguë » de son œuvre entre 1831 (année de représentation d’Anna Bolena au Théâtre-Italien) et 1897 (centenaire de sa naissance) dans le cadre de sa thèse de doctorat d’histoire, dont est tirée cette remarquable étude, qui vient d’être gratifiée du Grand prix du Prix du livre France Musique – Claude Samuel 2022. Certes, les sources (presse, correspondance, documents conservés aux Archives nationales, à la BnF, à la SACD… ) ne manquent pas pour retracer la carrière parisienne du compositeur ; encore faut-il savoir y naviguer et en tirer une matière éclairante, comme le fait l’autrice pour rendre justice à cette aventure française mêlant réussites et échecs.

«Guerre d’invasion »

Conscient de l’importance de conquérir Paris pour qui veut alors faire une carrière lyrique, Donizetti va y obtenir la reconnaissance à partir de 1835. L’acclimatation de L’elisir d’amore aux Italiens en 1839, puis le succès de sa Lucie de Lammermoor française au Théâtre de la Renaissance lui ouvrent l’accès aux grandes maisons que sont l’Opéra Comique et l’Académie royale de musique (aujourd’hui l’Opéra), où sont créées, toutes deux en 1840, La Fille du régiment et La Favorite – Berlioz y verra les victoires d’une « guerre d’invasion ». Mais le chant du cygne n’est pas loin, comme le montre bien l’historienne en racontant par le menu le bon accueil rapidement démenti, dans le genre du grand opéra parisien, de Dom Sébastien, roi de Portugal (18 43) ; les premiers signes sont là du mal qui le ronge (une syphilis cérébro-spinale) puis le conduira à l’internement (1846-1847) et à la mort (1848).

Histoire des arts de la scène

En s’inscrivant dans une démarche d’histoire des arts de la scène et de la culture au XIXe siècle, Stella Rollet n’oublie aucun des aspects de son sujet (ses interprètes, ses relations chaotiques avec la critique, son argent, ses batailles, y compris avec Victor Hugo pour le droit de représenter Lucrezia Borgia …). Son approche est aussi quantitative, et s’appuie au besoin sur tableaux et graphiques : un d’eux montre que c’est au début des années 1860, soit peu de temps après sa mort, que Donizetti aura été le plus joué à Paris dans son siècle, avant de voir son étoile décliner. Quant à la « renaissance donizettienne » lancée dans les années 1960, au demeurant toute relative en France, c’est une autre histoire… Mais gageons qu’un travail d’une telle qualité peut contribuer à ranimer la flamme.

Donizetti et la France (1831-1897) par Stella Rollet. Classiques Garnier, 535 p., 59 €.

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