Napoléon d'Abel Gance : le pari fou d'une bande originale pour sept heures de film

Nous sommes dans une cabine, perchée au dessus du studio 104 de Radio France, le vaisseau amiral, depuis lequel une équipe supervise l'enregistrement de la musique, impériale, de "Napoléon". Une bande originale qui utilise le répertoire symphonique, mais le compositeur Simon Cloquet-Laffolye a approché le projet comme s'il écrivait des partitions inédites.

"Je n'ai pas juste accompagné le film avec des oeuvres par ci par là, j'ai vraiment sculpté le répertoire symphonique pour qu'il sonne comme si c'était une musique de film, écrite spécialement. c'est vraiment une approche créative. Alors évidemment j'ai dû écrire des transitions de temps en temps, j'ai dû réarranger... un arrangement de 400 minutes basé sur le répertoire symphonique sur 200 ans, de Mozart on va jusqu'à la musique des années 70."

Avec un travail sur le caractère de jeu, un temps parfois contradictoire avec ce que souhaiterait le chef, ou qui met à mal le confort de l'orchestre. Paul Malinowski, musicien metteur en ondes, dirige l'enregistrement.

"Il faut parfois jouer plus allemand ou plus frénétique, quitte à parfois escamoter deux trois petites choses, deux ou trois détails... des sortes de petits conflits ou de petits chocs entre une logique purement musicale de musicien qui aimerait bien jouer une oeuvre de répertoire, et tout à coup cette oeuvre qui est au service d'une structure narrative. On peut dire au chef d'orchestre : là le tempo n'est pas le bon, tu es trop lent, tu as trois ou quatre secondes de trop. Ce sont des choses très concrètes et bêtes mais la musique déborde et déborderait sur la scène suivante, et ça ne va pas."

Le chef d'orchestre que l'on retrouve sur la scène, quelques étages plus bas Fabien Gabel est en liaison permanente avec la cabine pour une synchronisation au cordeau entre la musique et les images.

"Je vois l'écran, je dois me fier à la partition mais aussi au déroulé : j'ai le minutage du film qui se déroule devant mes yeux, les musiciens ne voient pas le film car ce serait trop compliqué, donc je relaie le message. C'est mon métier de chef d'orchestre d'avoir tout le monde qui se joint à moi et qui me suit au service du film."

L'Orchestre Philarmonique et le Choeur de Radio France s'apprêtent à enregistrer la Marseillaise chantée dans le film par le Club des cordeliers.

"Nous espérons pour la santé mentale de tous les conservateurs du monde entier que ce cas du Napoléon d'Abel Gance va rester exceptionnel."

Georges Mourier, réalisateur et meneur du projet titanesque. "C'est sans doute à ma connaissance la plus longue restauration, la complexe techniquement aussi, la plus coûteuse."

Une deuxième session d'enregistrement aura lieu l'été prochain, quant à l'ovni cinématographique, il sera d'abord donné en ciné-concerts avec les 20 dernières minutes en triple écran. L'équipe de restauration table sur une présentation au public début 2024.