Un abécédaire Richard Strauss #9

- Publié le 9 août 2022 à 09:00
De A à Z, Diapason vous invite à revisiter la vie et l'œuvre du compositeur allemand. Aujourd'hui, K comme Kapellmeister.

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Kapellmeister

Richard Strauss énuméra un jour les dix règles à suivre pour un jeune chef d’orchestre. Parmi elles, « ne transpirez pas quand vous dirigez, c’est le public qui doit avoir chaud », ou « ne perds jamais de vue les cors et les bois : si tu les entends, c’est qu’ils jouent trop fort ». Humour permis à celui dont on oublie trop souvent qu’il fut, pendant toute sa carrière, un chef d’orchestre fêté et recherché dans le monde entier, mais aussi un rigoureux Kapellmeister attaché à des institutions sérieuses. Son corniste de père lui mit tôt dans l’oreille les timbres de l’orchestre. Hans von Bülow exerça sur lui une influence durable, et le guida avec bienveillance. Meiningen, Munich, Weimar accueillirent ses premiers pas et le consacrèrent, en particulier dans le répertoire mozartien et wagnérien. C’est en 1898 qu’il devint Hofkapellmeister de l’Opéra de Berlin puis Generalmusikdirektor en 1908. Il y défendit avec force le répertoire contemporain, en particulier les œuvres de Mahler. Naturellement, cette position lui permettait de diriger ses propres œuvres. Ainsi, patron de l’Opéra de Vienne entre 1919 et 1924, il dirigea trente-cinq fois Mozart, quarante-trois fois Wagner, et soixante et onze fois… Richard Strauss. Si le double emploi de compositeur et de chef avait été courant dans la première moitié du XIXe siècle (Liszt, Mendelssohn, Weber, Wagner), l’usage tendit à s’en perdre au début du XXe et l’insistance de Strauss à se diriger lui-même ne plut pas à tous. Cependant, c’est bien cette pratique intensive de la direction d’orchestre qui fit de lui ce savant alchimiste des timbres, dont le laboratoire pour lui fut le concert davantage encore que la table de travail du compositeur. Une si grande proximité entre ses activités de chef et de compositeur donnait à ses vues sur la direction une profondeur singulière. Son influence sur des chefs qui ne furent pas, eux, des compositeurs fut considérable. Karajan, Beecham, Busch admirent leur dette à l’égard des interprétations mozartiennes de Strauss. Ses lectures wagnériennes se réclamant en ligne directe du Maître (son père avait créé Tristan à Munich, jouait à Bayreuth, où il mena son fils la première fois 1882, l’y faisant rencontrer Wagner) ne firent pas moins école, et s’entendent dans l’héritage d’un Clemens Krauss ou d’un Karl Böhm, dont il fut si proche. Audible au disque, son art de chef nous est aussi accessible par des images où saisissent l’économie absolue du geste et la vivacité implacable du regard.

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