Festival d'Avignon : la danse libre de Marcos Morau
Le chorégraphe de La Veronal s'offre la Cour d'honneur du Palais des papes avec « Sonoma ». Une création au féminin pluriel que nous avons pu voir en avant-première à Barcelone.
L'Espagne semble trop juste pour contenir le talent de Marcos Morau : des coproductions internationales de La Veronal, sa troupe, aux collaborations avec le Ballet de Lorraine ou le Royal Danish Ballet, chacun veut sa part. Il faut dire que ce jeune homme pressé a les idées larges, mélangeant théâtre, performance et danse. « Sonoma », sacre espéré en Avignon, ne déroge pas à la règle. En revendiquant l'héritage du cinéaste Luis Buñuel, Marcos Morau signe une ode au féminin pluriel aux tableaux saisissants. La religion et ses images infusent cet opus où les mots dits en français rythment la transe.
En ouverture, un ballet de femmes autour d'une croix. Elles glissent sur le plateau comme des figurines. Marcos Morau fait naître des scènes idylliques avec ces danseuses de blanc habillé ou corolles de fleurs sur la tête. « S'il y a un paradis, il est ici et maintenant », disait Buñel. Le chorégraphe s'applique à convoquer des rituels avec force tambours ou des visions dérangeantes comme ces vieilles personnes masquées. On récite les Evangiles ou des textes du collectif El Conde De Torrefiel, on s'enlace ou on fait gonfler ces jupes dans une ronde sans fin.
Toutes les séquences n'ont pas la même force, hélas. La bande-son, empruntant au folklore de l'Aragon (région d'origine de Luis Buñuel) et au contemporain, permet d'unifier l'ensemble. Elle est l'oeuvre de Juan Cristobal Saavedra. Les femmes de « Sonoma » sont à la fois fortes et solidaires, blessées parfois. La crise est passée par là, à l'évidence.
Monde parallèle
Marcos Morau a créé une version pour musée à Barcelone, dans un espace bien plus large qu'un théâtre, avant d'entamer les représentations en Espagne. Il lui reste maintenant à dompter les vents de la Cour d'honneur du Palais des papes. Réunissant neuf solistes, toutes excellentes, « Sonoma » navigue entre surréalisme et onirisme. Lorsqu'une figure sans tête traverse le plateau, le spectateur est emporté dans un monde parallèle.
C'est sans doute le principal charme de la pièce signée Marcos Morau : inventer une danse libre plutôt que virtuose. « Sonoma » devrait faire son petit effet par ces nuits d'été. Quant à Marcos Morau, il a déjà l'esprit ailleurs. Un opéra, une mise en scène, un ballet ? Qu'importe, le natif de Valence a surtout soif de créer.
Sonoma
Festival d'Avignon
de Marcos Morau
Cour d‘honneur du Palais des papes.
Festival-avignon.com , du 21 au 25 juillet.
1 h 15
Philippe Noisette