Bertrand Chamayou fait renaître un piano historique

- Publié le 24 novembre 2022 à 16:50
Après un an d’une complète restauration, un Steinway de 1907 a résonné à la Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret sous les doigts du pianiste français.
Récital Bertrand Chamayou

On savait, par certains de ses disques et concerts, Bertrand Chamayou féru d’instruments anciens. Rien d’étonnant alors de le voir inaugurer la série des « concerts du mercredi » de la Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret (anciennement Médiathèque Musicale Mahler), aux commandes d’un Steinway entièrement rénové, ayant appartenu à la famille Singer-Polignac, puis à Henry-Louis de la Grange, musicologue (il fut le grand spécialiste de Mahler que l’on sait) qui habita de nombreuses années cet hôtel particulier du 8e arrondissement de Paris. Sylvie Fouanon, maître d’art, assistée de Marion Lainé, a restauré (du point de vue sonore, mécanique et visuel) pendant près d’un an ce piano de 1907, à la mécanique identique aux Steinway d’aujourd’hui.

Résonances d’une richesse exceptionnelle

Les premières notes de Sposalizio de Liszt laissent se déployer une étonnante longueur de son et des résonances d’une richesse exceptionnelle. Le musicien français n’a plus dès lors qu’à faire s’épanouir le chant des Jeux d’eaux à la Villa d’Este. D’un velouté sensuel, nimbées d’un halo sonore très séduisant, les nuances les plus douces favorisent les atmosphères intimistes, comme dans La Vallée des Cloches de Ravel, interprétée avec autant de sensibilité que de densité par le pianiste.

Cet instrument a du coffre : poussé dans ses retranchements – et Bertrand Chamayou n’est pas précisément du genre à s’économiser –, il impressionne par son ampleur. On note cependant une certaine saturation dans les fortissimos les plus éruptifs, ce qu’il faut peut-être mettre sur le compte de ce salon Gustav-Mahler à la dimension somme toute modeste et doté de vastes miroirs latéraux. L’équilibre des registres est en revanche à mettre au crédit de l’instrument : médiums cuivrés (une certaine verdeur dans le bas médium confère une crudité bienvenue, et donc du caractère, à l’Alborada del gracioso), aigus scintillants, basses profondes – envoutante Marche solennelle vers le Saint-Graal de Wagner/Liszt. Ce piano très coloré, et esthétiquement splendide, aborde sa deuxième vie sous les meilleurs auspices.

Récital Bertrand Chamayou. Paris, Salon Gustav-Mahler de la Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret, le 23 novembre.
Prochain concert : Anne-Lise Polchlopek (mezzo-soprano) et Thomas Tacquet (piano), le 14 décembre. 

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