Au Bal Blomet, Maxime Zecchini prend « à gauche, toute »

- Publié le 25 janvier 2023 à 12:05
Alors qu'il vient d'achever, au disque, une anthologie du piano pour la main gauche seule, le musicien offre un aperçu de la diversité d’un répertoire méconnu.
Maxime Zecchini

Dès le Prélude et Nocturne opus 9 de Scriabine, le ton est donné, celui de la réflexion, de l’intelligence d’une réelle quête musicale. Dans cette œuvre de jeunesse d’un compositeur encore influencé par Chopin, tant dans le langage que dans l’écriture instrumentale, Maxime Zecchini cherche la poésie du discours, le sens du déroulé harmonique, sacrifiant même à un léger rubato « historique ». La tenue de main est unique, de même que le jeu du poignet : on sent que le pianiste a expérimenté, cherchant la meilleure position pour chaque phrasé, chaque mode d’attaque, chaque couleur. La pédalisation est parfaite, qui joue des résonances tout en ménageant la lisibilité des lignes. Concluante, sa quête révèle un phrasé droit et sans artifices ni complaisance, un toucher juste, précis, délicat, dans les moindres ciselures d’Alkan ou de Bacri, caressant dans une Méditation de Thaïs dont le lyrisme a fait place, disparition du violon oblige, à la désespérance, violent dans le Caprice romantique de Sancan.

Justesse et singularité

Quelques mots simples éclairent gentiment le public sur la singularité du répertoire et certains de ses aspects purement techniques : organisation des plans sonores, position du corps, répartition des tâches entre les cinq doigts – pouce et index s’arrogent la mélodie, les trois autres se chargeant du « reste ». Le magnifique Caprice Romantique de Pierre Sancan illustre parfaitement cet étroit enchâssement de la mélodie dans le tissu virtuose. Cette pièce alternant les atmosphères violente et élégiaque joue, comme l’intense Nocturne op. 104 de Nicolas Bacri, de toute l’étendue du clavier, plus que chez Scriabine ou dans la Fantaisie d’Alkan – en réalité une étude en forme de variations, diabolique de virtuosité, partie d’un triptyque dédié aux mains séparées et réunies. Enfin, la transcription, réalisée par le pianiste lui-même, du Concerto pour la main gauche de Ravel, apothéose de la pensée « gauchère » et clou de la soirée, surprend et, surtout, réjouit par sa justesse. Avec cinq doigts seulement, c’est tout un orchestre qui se livre, couleurs et textures remarquablement différenciées. Mais sait laisser aussi place à un « soliste », qui déroule les mouvements enchaînés de cette fresque âpre et désespérée, déferlante de notes à la fois d’une difficulté extrême et d’une rare poésie. Tout cela sans redondance aucune.

Le répertoire populaire clôture le récital avec des extraits de musiques de film de Michel Legrand et Justin Hurwitz (ainsi que trois bis : Édith Piaf, Claude François et à nouveau Legrand), toutes transcriptions de l’interprète qui rassurent un public conquis : Maxime Zecchini sait aussi jouer de – et arranger pour – ses deux mains ! Virtuosité et bonne humeur : rien de tel pour réchauffer une froide soirée de janvier.

Récital de Maxime Zecchini. Paris, Le Bal Blomet, le 24 janvier. 

Œuvres pour la main gauche – Anthologie (10 CD + 1 DVD), Ad Vitam Records.

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