Plongée dans un rituel tibétain et tuto chant diphonique

Deux moines marchent dans le monastère de Ganden à Lhassa ©Getty - Fei Yang
Deux moines marchent dans le monastère de Ganden à Lhassa ©Getty - Fei Yang
Deux moines marchent dans le monastère de Ganden à Lhassa ©Getty - Fei Yang
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Le 28 janvier 1924, après plus de 2000 kilomètres parcourus à pied, Alexandra David-Néel arrive à Lhassa. La ville tibétaine est considérée comme une cité sacrée : aucune personne occidentale n’a le droit d’y entrer. Pour cette aventurière qui voyage en Asie depuis 14 ans, ce sera un défi.

Pour pouvoir entrer dans Lhassa, Alexandra David-Néel s’habille en tibétaine, se fait passer pour une mendiante, et parvient à rester dans la ville pendant deux mois. L'aventurière voulait transgresser l’interdiction liée à cette cité, mais surtout se rapprocher de la culture tibétaine emprise de bouddhisme. Dans les monastères, elle découvre une musique étrange qui, pour elle, ne ressemble à rien de tout ce qu’elle a pu entendre jusque-là. Elle écrit :

“C’est une musique dans laquelle passent les rêves d’une nation bizarre perdue en ses montagnes… Musique parfois terrible… Si grave, si lente et qui, mêlée aux âpres balades du vent hurlant autour de ma tente, me fait frissonner dans la nuit.”

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La chronique culture
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La musique rituelle tibétaine est longtemps restée inconnue. Les premiers enregistrements datent seulement de la seconde moitié du XXe siècle, période qui suit le soulèvement tibétain de 1959 qui éclate à Lhassa. Le peuple tibétain souhaite protéger leur guide, le Dalaï-lama, contre les autorités chinoises. Mais la rébellion est écrasée, le Dalaï-lama quitte la ville s’exile en Inde où il vit encore aujourd’hui.

Une des grandes missions des exilés tibétains consiste à sauver leur culture. Une école de musique est créée dans la ville indienne où réside le Dalaï Lama : Dharamsala. Là-bas et dans les monastères tibétains, les moines, dès leur plus jeune âge, apprennent des techniques de chant pour prier dans la tradition.

Quel est le secret des chants sacrés tibétains ?

Pour tenter de mieux comprendre ces techniques vocales, le chanteur Nicolas Simeha est l'invité spécial de cette émission en partenariat avec une classe de seconde du lycée Henri Becquerel à Nangis en Seine-et-Marne.

Nicolas Simeha est chanteur lyrique de formation, passionné depuis plusieurs années par la musique contemporaine et les musiques traditionnelles, ce qui l'amène à utiliser différentes techniques vocales. Pour cette chronique, il décrit la première technique utilisée par les moines tibétains dans leur chant :

"C’est le chant diphonique qui consiste à faire entendre deux notes distinctes en même temps. La science du son, l’acoustique, nous explique que le son est composé d’une fréquence fondamentale, c’est la note de base qu’on entend clairement et d’une multitude d’harmoniques, de notes plus aiguës qu’on n’entend pas toujours distinctement mais qui constituent l’identité d’un son. Dans le chant diphonique, il s’agit de faire ressortir une de ces harmoniques au-dessus de la note fondamentale ou comme disent les tibétains, de faire entendre la voix rugissante du dieu de la mort."

Le chant diphonique peut s'obtenir de différentes manières, l'une des plus simples, pour débuter, est de chanter un "L" et tout en gardant la pointe de la langue collée au palais, de faire voyager le son entre les voyelles "i" et "u".

Chant diphonique et "rugissement du taureau"

Enfin, dans le chant des rituels tibétains, on entend clairement un deuxième effet vocal décrit par Nicolas Simeha :

"Au Tibet, on appelle ça le rugissement du taureau, une forme de grognement très grave qu’on obtient en détendant les cordes vocales."

Ces deux techniques vocales combinées permettent de chanter dans la tradition tibétaine ces musiques mystérieuses entendues par Alexandre David-Néel il y a presque 100 ans.

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