Comment la musique contribue-t-elle à l’identité d’une nation ?

Des manifestants chantant l'hymne ukrainien en Belgique
Des manifestants chantant l'hymne ukrainien en Belgique
Musique et nations : le chant des peuples - Culture prime
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Comment la musique contribue-t-elle à l’identité d’une nation ?

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De la Marseillaise hier à l'Ukraine aujourd'hui, Philip Bohlman, ethnomusicologue, revient sur l'histoire des liens entre musique et nationalisme, ou comment quelques notes parviennent à créer un sentiment d'appartenance à une communauté.

Né dans le Wisconsin aux Etats-Unis, le destin de Philip Bohlman se scelle le jour où il décide d’étudier la musique des fermiers de sa région plutôt que Beethoven. Il s’oriente alors vers un cursus d’ethnomusicologie à l’Université de Chicago. Il se spécialise ensuite entre autres dans les musiques juives puis aborde les liens entre musique et nationalisme. En novembre 2022, Il obtient le prix Balzan le récompensant pour l’ensemble de son travail.

Selon le chercheur américain, une “bonne” chanson nationaliste est celle qui peut emmener un peuple entier à chanter ensemble : "Nous l'avons vu récemment avec l'invasion russe de l'Ukraine, la musique joue un rôle incroyablement important, racontant à la fois la résistance mais aussi la fierté et la souveraineté".

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Le nationalisme est un terme ambigu : il signifie à la fois le sentiment d’appartenance à une nation mais renvoie aussi à une concurrence, une compétition entre pays ou régions. Les hymnes nationaux ont notamment pour fonction de représenter musicalement leur pays, ce qui fonctionne très bien pour certains. Ainsi, Das Deutschlandlied, l’hymne allemand, est très identifiable de par sa spécificité musicale et sa structure, de forme AAB, qui est propre à la musique chorale.

A l’opposé, certains hymnes se sont inspirés des hymnes français et anglais, c’est le cas de la Tchadienne, la Zaïroise ou l’Abidjannaise en Côte d’Ivoire. Il existe donc un véritable paradoxe autour des hymnes, censés représenter leur pays, car ils sont parfois interchangeables, comme le pointe avec humour Philip Bohlman : “A chaque Coupe du monde ou Jeux olympiques, il y a toujours une erreur : un hymne qui est joué pour le mauvais pays et, à chaque fois, personne ne semble s’en rendre compte ! “

Musique et résistance

Le 24 février 2022, juste après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les Ukrainiens se sont emparés de la musique pour alerter sur leur situation et renforcer l’identité nationale, notamment en chantant en ukrainien. Chansons traditionnelles et hymne, ces chants ont contribué à un soutien international pour leur pays.

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Le mécanisme de la nostalgie

Le “nationalisme musical” repose sur la nostalgie qui renvoie à un passé réel ou fantasmé où la nation était plus forte, plus riche d’un point de vue culturel : “le nationalisme évoque souvent un type de nostalgie, une envie de retrouver ce que la nation était autrefois, ses racines, ses origines, de retrouver une puissance d’antan”, souligne Philip Bohlman. Dans cette optique, les musiques traditionnelles sont souvent réutilisées pour mettre en avant une région ou un pays. Au même titre, les instruments traditionnels nationaux sont favorisés pour le répertoire de musiques nationalistes, c’est le cas de la harpe celtique en Irlande ou de la bandoura en Ukraine.

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L’Eurovision

A l’heure actuelle, l’Eurovision cristallise cette compétition musicale entre nations. Chaque état essaye de trouver la chanson qui l'identifie le mieux : “C'est une position très délicate car la chanson qui sera sélectionnée pour représenter la nation doit également être comprise par ceux qui ne sont pas de cette nation et qui ne connaissent peut-être pas cette langue”, précise l’ethnomusicologue américain.

Lors de l’effondrement du bloc soviétique, en 1990-91, de nombreux pays de l’Est, comme la Croatie ou la Roumanie, ont recherché à se créer une identité sonore. En 2022, La victoire de l’Ukraine à l’Eurovision avec Stefania de Kalush Orchestra illustre pleinement les liens entre musique et nationalisme. Comme le résume Philip Bohlman : “La musique ukrainienne est désormais utilisée comme une sorte de résistance internationale”.

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