Zaïde revient par l’Ouest : Mozart éternel, Melchior éphémère

- Publié le 9 février 2023 à 09:13
L’Opéra de Rennes et Angers-Nantes Opéra ont rendu possible le retour de Zaïde, séduisante esquisse mozartienne. Un spectacle paré pour voyager mais… inachevé.
Zaïde de Mozart à l’Opéra de Rennes

Que faire de Zaïde ? Le singspiel inachevé et posthume de Mozart réclame quelques aménagements pour être présentable à la scène. On se souvient que Peter Sellars (Aix-en-Provence, 2008) avait transformé la chose, non sans fulgurance, en brûlot politique contre l’esclavage moderne, farci de silences et de pages extraites de Thamos, roi d’Egypte. À Rennes, Nantes, Quimper et Besançon, la metteuse en scène Louise Vignaud et sa co-dramaturge Alison Cosson font d’autres choix. Les amours contrariées de deux esclaves chrétiens au sultanat de Soliman laissent place à l’évocation d’une fratrie élevée sur une île imaginaire par une créature sans chant mais non sans parole, incarnée avec une saisissante étrangeté par la comédienne Marief Guittier. Hors du monde et du temps, le cœur du propos est sauf : il est question de l’attachement naissant entre Zaïde et Gomatz, ici un naufragé sur d’imposants rochers, décor unique que le spectateur pourra juger disgracieux et qui ne facilite guère la mobilité des artistes. Des bouteilles en plastique usagées ont été collectées pour représenter l’écume sur l’estran. Une « contribution participative »  à la scénographie limitée, mais chaque écogeste ne compte-t-il pas ?

Chant allemand, dialogues français

Le tandem Vignaud-Cosson a aussi recréé un ensemble de dialogues parlés en français, langue maternelle pour l’un des chanteurs, d’adoption pour les trois autres, qui la déclament avec des bonheurs divers. Le chant demeure allemand, évidemment. Kseniia Proshina aborde le rôle-titre avec un métier stylistiquement sûr, même si sa berceuse « Ruhe sanft » manque de grâces caressantes et ses « Tiger! » de mordant pour nous émouvoir. Le ténor Kaëlig Boché dessine son Gomatz d’un trait ferme, sinon toujours très lumineux. Chez les clefs de sol encore, Mark Van Arsdale compose un Soliman rageux grâce à son bel investissement d’acteur. Le baryton-basse Niall Anderson, à l’émission tubée, pas toujours irréprochable dans l’intonation, convainc moins en Allazim. Mais chacun trouve sa place au sein de l’admirable quatuor qui clôt la partition de Mozart, terre de contrastes préfigurant l’art des ensembles dont témoignera bientôt L’Enlèvement au sérail.

Sens du théâtre et des climats

Fallait-il vraiment conclure par un second quatuor ? C’est la mission confiée à Robin Melchior, qui a signé un prélude, un interlude et ce finale – qui peut sembler de trop. L’arrangeur-compositeur ne dédaigne pas la référence (un clavecin crépitant, le motif orné de « Ruhe sanft ») mais évite l’écueil du pastiche mozartien. Il s’immerge dans des eaux « classiques modernes » brassant Britten et Stravinsky parmi d’autres influences en ouverture, pour terminer dans un esprit de comédie musicale alla Michel Legrand un rien naïf. Affaire de goût, sans doute.

Ce n’est certes pas Mozart qu’on assassine : il est défendu avec un joli sens du théâtre et des climats par le chef Nicolas Simon, à la tête d’un Orchestre national de Bretagne mieux inspiré côté vents que dans des cordes à l’accord parfois précaire. Cette coproduction, déployée jusqu’à Avignon en 2025, permettra peut-être d’affuter la proposition. L’aventure est déjà belle, qui offre de contempler, dans plusieurs salles, les beautés musicales de la trop rare Zaïde.

Zaïde de Mozart. Rennes, Opéra, le 6 février. Représentations jusqu’au 12 février. Puis du 26 février au 5 mars à Nantes (Théâtre Graslin), les 15 et 16 mars à Quimper (Théâtre de Cornouaille) et les 24 et 25 mars à Besançon (Les 2 Scènes).

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