La rare et monumentale Symphonie n°3 de Glière à Bozar

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Ce samedi 23 avril, l’Orchestre Symphonique de la Monnaie et le Belgian National Orchestra s’unissent le temps d’un concert pour interpréter la Symphonie N°3 en si mineur « Il’ya Muromets »  op 42 de Reinhold Glière. Cette œuvre à programme en quatre mouvements, composée entre 1909 et 1911, illustre parfaitement le postromantisme. Elle est un assemblage de quatre poèmes symphoniques que nous pourrions associer à ceux de Franz Liszt. L’orchestration aurait réussi à impressionner Nikolaï Rimski-Korsakov, le tout avec une expressivité harmonique digne de Richard Wagner. Pour fini,r nous pourrions comparer la longueur et l’effectif de cet ouvrage à la Troisième Symphonie de Gustav Mahler. En effet, d’une durée de plus ou moins 80 minutes, elle est interprétée par pas moins de 105 musiciens issus des deux phalanges bruxelloises et placés sous la direction d’Alain Altinoglu.

Cette symphonie s’inspire de légendes populaires du pays natal de Glière. Le compositeur relate l’héroïsme du bogatyr Illia de Mourom, héros épique du Moyen Âge, originaire du Grand-Duché de Kiev, qui a lutté contre le mal mais qui a fini changé en pierre. Le compositeur russe d’origine germano-polonaise réussit à nous raconter cette histoire avec une musique trépidante. 

Dans le premier mouvement, Ilia Mourometz, le fils d’un paysan, est resté assis pendant trente années quand, un jour, deux pèlerins de passage lui ordonnent de devenir un bogatyr et de partir en quête de Svyatogor, le plus puissant des guerriers. Celui-ci, lorsque Ilya le retrouve, lui lègue tous ses pouvoirs avant de mourir. Au niveau de l’interprétation, les pupitres graves de l’orchestre sont principalement sollicités dans le début de ce mouvement. Après quelques minutes d’une certaine sobriété, un solo à l’unisson de la clarinette basse et du cor anglais est interprété avec justesse sur un tapis des cordes. Par la suite, un pupitre de cors conquérants lance le premier vrai crescendo de l’œuvre. Un grand choral solennel de cuivres s’ensuit. Après un nouveau passage grandiose, tout se calme pour laisser place à un solo subtil de percussion. La conclusion du mouvement est triomphale : Ilia Mourometz a reçu les pouvoirs de Svyatogor.

Le deuxième mouvement illustre le combat entre Ilya et Soloveï, un bandit qui tue les humains par son sifflement dans une forêt sombre. Les flûtes ont un rôle assez important à jouer. En effet, leurs notes ressemblent à des sifflements d’oiseaux que nous retrouvons tout au long du mouvement. La konzertmeisterin, Tatiana Samouil, se joint parfois aux flûtes pour interpréter cet effet gracieux et délicat. Un très long crescendo intelligemment construit par Alain Altinoglu traverse presque complètement ce mouvement pour arriver à un climax d’une puissante intensité sonore. Après ce passage imposant, nous retrouvons la tranquillité du début avec les effets des cordes. 

Le troisième mouvement est le plus court des quatre mais aussi le plus étincelant. Il représente une fête somptueuse donnée au château du Prince Vladimir. Ce mouvement, faisant office de scherzo, commence avec le célesta. Une brillante énergie se dégage avant que tout ne s’assombrisse. En effet, à la demande du Prince, le méchant Soloveï pousse un dernier sifflement, faisant écrouler le plafond du palais. Le bandit est alors décapité par Ilya, qui est l’invité d’honneur de cette fête fastueuse. 

Le dernier mouvement est le plus impressionnant. Ilya et son armée écrasent le terrible Batygha et ses hordes de païens. Ilya réclame encore des ennemis à combattre. Des guerriers venus du ciel surgissent alors ; chacun, lorsqu'il est abattu, se multiplie. Poussés à la retraite, Ilya et ses hommes sont convertis en pierre. La musique relate admirablement l’histoire dont Glière a décidé de s'inspirer. Ce mouvement allie des passages solennels, à l’instar du solo impressionnant du pupitre des cors mais aussi des moments grandioses d’une rare intensité amenant à un climax monumental. Tout fini par se calmer avec un bref retour du sifflement des oiseaux issus du deuxième mouvement. La masse orchestrale diminue de plus en plus pour ne garder que le registre grave et sombre de l’orchestre. La fin se clôture avec des accords mineurs des cuivres sur des pizzicatos des cordes parfaitement synchronisées.

En conclusion, cette symphonie trop peu jouée, bien que l’on puisse le comprendre vu l’effectif requis, est une belle découverte. Il faut cependant attendre le troisième mouvement pour obtenir une interprétation complètement libérée et homogène de l’orchestre. Malgré cela, c’est une très belle prestation musicale que nous livrent les musiciens de l’Orchestre Symphonique de la Monnaie et du Belgian National Orchestra sous la direction inspirée du chef d’orchestre Alain Altinoglu.

Bruxelles, Bozar, 22 avril 2023

Thimothée Grandjean, Reporter de l’IMEP.

Crédits photographiques : Alain Altinoglu © Vincent Callot

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