A l’OSR, une bouillonnante Neuvième

par

Pour trois concerts au Victoria Hall de Genève et à l’Auditorium du Rosey à Rolle, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande présentent devant un public cette Neuvième de Beethoven qui avait été préalablement programmée en juin 2020 mais qui avait finalement été filmée par les caméras de la télévision dans une salle vidée par la pandémie régnante du moment.

Avec le concours du même chœur, la Zürcher Sing-Akademie, mais avec un nouveau quatuor de solistes, Jonathan Nott se lance dans une lecture fougueuse imprégnée de Sturm und Drang. Pour l’Allegro ma non troppo initial, il tisse un canevas presque irréel qui s’innerve d’inflexions tragiques avec l’envolée des premiers tutti. Selon leur néfaste habitude, les bois gomment les nuances en rendant impossible le contraste entre les blocs sonores. La baguette du chef suscite une continuelle effervescence qui atteint divers points culminants sans pouvoir écarter l’écueil de la boursouflure. Par une progression qui étage mal les plans superposés, le ritardando a tempo conclusif paraît bien prosaïque. A coup de traits acérés martelés par les timbales omniprésentes, le Molto vivace est parcouru par une indomptable énergie qui rend trépidant le staccato des cordes amenant à un Presto haletant. Malgré une intonation incertaine en ses premières mesures, l’Adagio molto e cantabile devient le point focal de l’œuvre par le cantabile suave que développent seconds violons et viole (altos) en un lyrisme éploré qu’assimileront les premiers violons en intensifiant l’expression afin de parvenir à un tutti percutant comme un appel du destin. Le Final renoue avec le pathétique du début que les violoncelles et contrebasses aseptisent par un récitatif aux accents tragiques qui amène l’intervention du baryton-basse Daniel Schmutzhard claironnant avec panache ses « Freude ! Freude ». Lui répond le remarquable ensemble choral de la Zürcher Sing-Akademie (préparé par Florian Helgath), ayant un pupitre d'alti et de ténors en mesure de négocier décemment les sauts d’octave à tempo rapide quasiment impossibles qu’un instrument à cordes exécute aisément. Sa cohésion des registres peut lui être enviée par le bien misérable quatuor soliste incluant un ténor cherchant ses marques dans un style qui lui échappe et deux voix féminines d’une déplorable inconsistance. Par son souffle épique, la direction de Jonathan Nott va à l’essentiel, quitte à amenuiser les oppositions de coloris pour parvenir à un Prestissimo effréné en guise d’apothéose. Et le public applaudit longuement l’ensemble du plateau, notamment le chœur zurichois qui mérite les ovations.

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, 19 avril 2023

Crédits photographiques : Thomas Mueller

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.