Un nouvel Atys se dévoile à l’Opéra Grand Avignon

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L’Opéra Grand Avignon a ouvert le 10 mars dernier une série de trois représentations d’Atys en version de concerts. Cette version portée par le Centre de Musique baroque de Versailles (CMBV) est le fruit de quelques années de recherches musicologiques poussées. L’absence de la mise en scène est largement compensée par la distribution de haute volée et la danse.

Atys, tragédie en musique de Quinault et Lully, très populaire en son temps, a révolutionné notre regard sur l’opéra baroque avec la représentation désormais historique par Les Arts Florissants sous la direction de William Christie. C’était en 1987. Aujourd’hui, l’œuvre continue à bousculer nos connaissances et notre perception. En effet, elle fait l’objet de vastes chantiers de recherches au sein du CMBV depuis cinq ans, en associant le projet à l’IReMus (Institut de recherche en musicologie) et au Musée de la Musique de Paris. Le plus spectaculaire est certainement la reconstitution de hautbois, largement soulignée par le CMBV par une vidéo et une série de podcasts. Huit hautbois ainsi créés -5 dessus de hautbois, 2 tailles et 1 basse de cromorne- se jouent sur scène, conformément à la pratique de l’époque selon laquelle les vents et les cordes ne se mélangeaient pas. Les hautboïstes jouent également des flûtes à bec et des flûtes traversières, toujours sur scène. Le reste des instruments, dans la fosse, est une autre spécificité de cette version qui se veut au plus près de l’usage du temps de Lully. Ainsi, le continuo (le Petit Chœur qui accompagne tous les récitatifs) est constitué de 9 instrumentistes, 2 violes de gambes, 2 basses de violon, 2 théorbes, 1 clavecin, ainsi que 2 dessus de violon qui servent de chefs d’attaque dans le Grand Chœur (ou le tutti de violons, ici les Vingt-Quatre Violons du roi). Par ailleurs, une partie des violons et les altos sont placés derrière le chef au long du bord de la fosse, le dos tourné vers la salle. Cette disposition fait retourner de temps en temps Alexis Kossenko vers les spectateurs qui peuvent apprécier ses mouvements de bras souples et dynamiques comme pour dessiner la musique. Sous sa direction, les musiciens des Ambassadeurs ~ La Grande Écurie offrent un son d’orchestre caractérisé à chaque séquence, forcément bien différent de ce à quoi on est habitué. Quelques instruments à vent et des timbales jouent ainsi dans les coulisses à certaines scènes pour créer un effet spatial (hérité ou inspiré de musique sacrée des époques précédentes ?).

De telles remises en question musicale ne sont pas limitées aux instruments. Le chœur, formé par les pages et les chantres du CMBV (direction Fabien Armengaud) alignés au fond de la scène, compte différents effectifs selon les moments, allant jusqu’à devenir plusieurs chœurs simultanés. Ils chantent en limitant les ornements, en suivant les résultats de recherche sur la déclamation menée par des spécialistes. 

Les danseurs du Ballet de l’Opéra Grand Avignon évoluent devant les choristes et aux côtés des chanteurs solistes, mais aussi dans la salle, au parterre et au premier balcon. La chorégraphie de Victor Duclos, moderne sans code baroque, est souvent descriptive. Leurs costumes (créés par l’Atelier de l’Opéra Grand Avignon) apportent les couleurs vivifiantes sous les lumières de Pierre Daubigny (qui est également scénographe) sur la scène sans décor dominée par le noir. 

La distribution réjouissante réunit les chanteurs de premier plan des rôles principaux aux rôles secondaires, qui chantent tous devant des pupitres, sur l’un ou l’autre côté de la scène (d’où l’importance de la danse qui apporte visuellement le mouvement). Mathias Vidal (Atys), Véronique Gens (Cybèle), Sandrine Piau (Sangaride), Tassis Christoyannis (Cœlénus) et Hasnaa Bennani (Doris) excellent tous dans leurs rôles avec une magnifique diction et des phrasés adéquats. Là aussi, on sent un travail minutieux au service du texte et de la musique. Les autres chanteurs, dont la plupart tenant plusieurs rôles, n’en sont pas moins remarquables. Ils sont tous bien investis dans leurs apparitions plus ponctuelles qu’on ne peut ne pas citer : Éléonore Pancrazi (Melpomène / Mélisse), David Witczak (Le Temps / Un Songe funeste / Le Fleuve Sangar), Adrien Fournaison (Idas / Phobétor), Antonin Rondepierre (Un Zéphyr / Morphée / Un Dieu de Fleuve), Carlos Porto (Le Sommeil), Marine Lafdal-Franc (Iris / Une Fontaine), François-Olivier Jean (Phantase) et Virginie Thomas (Flore/Une divinité de fontaine).

Cet Atys fait l’objet d’un enregistrement discographique, qui va révéler à un grand nombre de personnes de « nouvelles » sonorité et lecture pour se rapprocher de l’idée originelle des créateurs de cette œuvre devenue mythique et continue à l’être. 

Avignon, Grand opéra, 10 mars 2024

Crédits photographiques © Studio Delestrade- Avignon

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