Gershwin concertant : réédition audiophile des enregistrements de Jeffrey Siegel et Leonard Slatkin

par

George Gershwin (1898-1937) : Concerto in fa ; Second Rhapsody ; Variations on I Got Rhythm ; Rhapsody in Blue. Jeffrey Siegel, piano. Leonard Slatkin, Orchestre symphonique de St. Louis. Juin 1974, rééd. 2023. Livret en anglais. TT 74’50. VOX-NX-3018CD 

Ces enregistrements de la Vox datent d’il y a précisément un demi-siècle, quand la célèbre Rhapsody in Blue, désormais vaillante centenaire, elle-même soufflait ses cinquante bougies. En 1974, en sa trentième année, Leonard Slatkin devenait chef principal associé du Symphonique de St-Louis et, déjà fervent défenseur de la musique américaine, enregistrait trois disques consacrés à Gershwin. En douze pages, le copieux livret du CD en reproduit la notice originale, agrémentée de photos d’archives, et l’actualise par une biographie des interprètes. Menées sur trois jours et une douzaine d’heures seulement, les sessions profitèrent des conseils de la mère du jeune maestro, brillante violoncelliste habituée des studios cinématographiques, « offrant un aperçu de la tradition du swing et de la pensée contemporaine » lit-on sur le website de Leonard Slatkin. Lequel, pour la petite histoire, nous y apprend aussi que le soliste, né en 1942 à Chicago et médaillé au concours Reine Elisabeth en 1968, était alors indisposé par des calculs rénaux. Jumeau d’un autre maillon orchestral dans la même collection (An American in Paris, Cuban Overture…), le présent album se focalise sur le versant avec piano, dont la rare Second Rhapsody.

À l’époque, Eugene List & Howard Hanson (Mercury), Morton Gould (RCA), Byron Janis & Hugo Winterhalter (RCA), Earl Wild & Arthur Fiedler (RCA), Leonard Pennario & Paul Whiteman (Capitol), Jesus Maria Sanroma & William Steinberg (Everest), Oscar Levant & Eugene Ormandy (Columbia) avaient déjà marqué la discographie de ce répertoire. Contrairement aux lectures puissamment rythmées et galbées que Werner Haas venait de graver à Monte-Carlo (Philips, 1970), Jeffrey Siegel dessinait des interprétations légères et chantantes, tout en allusion, sans excès de caractérisation, même dans le volet oriental des variations sur I Got Rhythm. Il joue avec une classe très naturelle, –comme Fred Astaire dansait. À l’avenant de ce clavier ailé, Leonard Slatkin dirige sans lourdeur, déploie un décor aussi suggestif que souple pour la Rhapsody in Blue, main de fer dans le gant de velours, d’une richesse de textures digne de Ravel, loin des tentations hollywoodiennes d’un Leonard Bernstein (CBS), et loin du somptueux palais byzantin d’Alexis Weissenberg & Seiji Ozawa à Berlin (Emi). Dans le Concerto, on observe la même sobriété, qui semble vouloir offrir à l’œuvre une patente toute classique, ce qui n’est pas un contresens.

Originellement en quadraphonie compatible avec la stéréo, les captations ont fait l’objet d’un transfert haute définition d’après les bandes-mères, pour cette réédition qui justifie son ambition audiophile et en ce sens s’avère préférable à la précédente compilation sur le double-album Brilliant (2015). L’image sonore manifeste une transparence, une ampleur, une netteté absolument remarquables. Et aussi une chaleur du timbre, une fluidité de textures qui raviront les nostalgiques de l’ère vinyle. Un surcroît de relief et l’on atteignait la perfection hifiste. Quoique cette esthétique très smooth corresponde idéalement à la ductilité des atmosphères et à la palette de nuances défendues par ces prestations indémodées. Les mélomanes qui recherchent une exécution finement musicale mais qui s’agacent des abus jazzy seront comblés par cette parution. Après de précieux Rachmaninov dont nos colonnes se sont déjà fait l’écho, espérons que Naxos se penchera bientôt sur les Prokofiev que Leonard Slatkin engrangea aussi chez Vox.

Son : 9,5 – Livret : 9,5 – Répertoire : 7-10 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

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