Maurizio Pollini est mort

- Publié le 23 mars 2024 à 14:11
Maurizio Pollini
L’immense pianiste italien s’est éteint à l’âge de 82 ans.

Il fut l’un des plus importants pianistes italiens du siècle qui vient de s’écouler, connu pour sa maîtrise technique, pour ses interprétations rigoureuses, d’une grande clarté formelle, servie par une sonorité pleine et riche. « Lorsque je prends une partition ou que j’étudie un morceau », affirmait-il, « je cherche d’abord les aspects communicatifs, les choses qui peuvent vraiment nous donner de la joie. C’est un cheminement profond et personnel. Il n’y a rien à expliquer : on ne peut pas objectiver l’émotion musicale, et cela concerne aussi bien l’interprète que l’auditeur. Chacun d’entre nous ressent une œuvre différemment. »

Né à Milan le 5 janvier 1942, Maurizio Pollini commence très jeune l’étude du piano. Il étudie avec Carlo Lonati puis avec Carlo Vidusso jusqu’à dix-huit ans. Diplômé du conservatoire de sa ville natale, il remporte le Concours international de piano Ettore Pozzoli à Seregno en 1959, et l’année suivante le Concours Frédéric Chopin de Varsovie – Arthur Rubinstein s’émerveille : « Ce jeune homme joue mieux que nous tous ! » Dans la foulée, il se retire des salles de concerts pour élargir son répertoire, étudie aussi avec son compatriote Arturo Benedetti Michelangeli.

Anciens et modernes

À partir du milieu des années 1960, il donne des récitals en Europe, aux États-Unis (dès 1968), en Asie (il fait sa première tournée au Japon en 1974)… Il se produit et enregistre avec les plus grands orchestres et les chefs les plus illustres, au premier rang desquels Karl Böhm et Claudio Abbado, avec qui il entretient une solide amitié. Si son répertoire comprend des œuvres de Beethoven, Mozart, Bach, Liszt ou encore Debussy et Bartok, Webern et Schönberg, Pollini s’intéresse aussi à la musique de son temps, jouant entre autres Messiaen, Boulez (dont la périlleuse Sonate n° 2 devient un de ses chevaux de bataille), Nono, Stockhausen… En 1995, il inaugure au festival de Salzbourg un « Progetto Pollini » où sont mises côte à côte des œuvres anciennes et nouvelles. Il entreprend des séries de concerts du même genre en différents endroits (Carnegie Hall en 2000-2001, , Royal Festival Hall de Londres en 2010-2011)… Un credo qui sera le sien jusqu’au bout : lorsque le 13 février 2023 il donne un récital à la Scala de Milan, sont au programme Chopin, Schönberg et Nono. Il s’essaie aussi à la direction d’orchestre et grave en particulier une version de référence de La donna del lago de Rossini (avec Katia Ricciarelli, Lucia Valentini Terrani… CBS/Sony).

Des problèmes de santé le contraignent à annuler plusieurs engagements à partir de 2012. Il est bientôt de retour sur les scènes, mais a dû, ces dernières années, renoncer à de nombreux concerts – dont celui prévu à Salzbourg pour fêter ses quatre-vingts ans – en raison de de graves problèmes cardio-vasculaires.

A l’annonce de sa mort ce 23 mars, l’émotion est grande partout dans le monde, mais plus encore dans son pays natal, comme en témoigne la réaction de la Scala de Milan, qui « pleure la disparition de Maurizio Pollini, l’un des plus grands musiciens de notre temps et une référence fondamentale dans la vie artistique du théâtre depuis plus de cinquante ans ». Le pianiste était en effet très lié à la prestigieuse institution lyrique, où la chambre funéraire sera d’ailleurs installée. Maurizio Pollini laisse une discographie pléthorique, où brillent en particulier ses Préludes et Nocturnes de Chopin, ses concertos de Bartok, sa sonate de Berg et sa n° 2 de Boulez, ses gravures beethovéniennes et schumaniennes… et tant d’autres trésors encore, qui désormais perpétuent l’art d’un des plus éminents et des plus respectés musiciens de notre temps.

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