Concours La Maestra : victoire de la cheffe israélienne Bar Avni

- Publié le 18 mars 2024 à 14:49
Lors de sa troisième édition, l’académie-concours internationale, placée cette année sous la présidence de Nathalie Stutzmann, a vu se détacher une cheffe sensible, musicienne jusqu’au bout des doigts et profondément humaine.
Finale La Maestra 2024 

Il reste encore du travail : Nathalie Stutzmann confirme, s’il était besoin – une récente étude met en lumière plusieurs points de stagnation, voire de régression –, la nécessité de poursuivre, encore et encore, le combat sur la question de la parité. Si le nombre de cheffes a doublé depuis 2018, quelques lettres de candidates au concours, que la présidente du jury évoque avec émotion, continuent en effet à refléter la difficulté à s’inscrire dans un paysage qui demeure très masculin. La Maestra, concours mais aussi académie, qui propose aux lauréates un programme d’accompagnement professionnel incluant, entre autres, concerts, master-classes et projets éducatifs, constitue à n’en pas douter une étape de choix sur ce chemin qu’il reste à parcourir. Cette année, 197 candidates issues de 49 pays différents avaient envoyé leur dossier au jury réunissant autour de la directrice musicale de l’Orchestre symphonique d’Atlanta les cheffe et chefs Claire Gibault, Kirill Karabits, Leonard Slatkin et Vimbayi Kaziboni, le premier violon de l’Orchestre philharmonique d’Oslo Elise Båtnes, et la directrice générale du LSO Dame Kathryn McDowell.

Énergie et engagement

Au programme de la finale : trois œuvres imposées (Fêtes de Debussy, le finale de la Symphonie n° 4 de Brahms et Fil de la jeune compositrice Manon Lepauvre, commande de La Maestra donnée en création mondiale) et une laissée au choix des candidates, qui dirigent depuis le début de la compétition le Paris Mozart Orchestra – somptueux, engagé et remarquablement attentif – fondé par Claire Gibault, l’initiatrice du projet. C’est la Russe Liubov Nosova qui ouvre le bal. Vive et énergique, la jeune femme cisèle un Debussy solaire, empoigne littéralement l’orchestre dans une Ouverture du Freischütz de Weber narrative à souhait. Energico e passionato est bien son Brahms, mais le tempo très rapide qu’elle lui impose l’approche davantage d’un Presto que d’un Allegro. Qu’importe, le motif obstiné de la chacone s’y perçoit toujours. Son Fil convainc un peu moins malgré de beaux moments (irisations combinant jeux de peaux et tenues de cordes, relais entre les pupitres dont les motifs se répondent). Un deuxième prix récompensera ce bel engagement, justement salué par le public.

Un, deux, trois, quatre… cinq prix

C’est le même programme, dans un ordre différent, qu’a choisi l’Allemande Katharina Morin. À un Weber peut-être un peu « classique » succède un Fil dirigé sans baguette mais manquant de contrastes : si la précision est là, la palette de nuances un peu courte. Moins lumineux chez cette cheffe, Debussy n’en est pas moins riche de belles teintes et de sonorités délicates. C’est peut-être Brahms qui manque le plus de détails, à commencer par le fameux thème de huit notes qui se perd trop souvent et, avec lui, l’esprit de « basse marchante » propre au finale. Outre un troisième prix, la candidate reçoit le Prix Génération Opéra.

Sortant des sentiers romantiques allemands battus par ses compagnes, l’Israélienne Bar Avni a joliment choisi le premier mouvement de la Symphonie « Grande Guerre » de Charlotte Sohy. La cheffe fait sienne cette musique foisonnante, attentive à chaque couleur, à chaque motif, à chaque dynamique, avec une présence indéniable et une vigueur qu’elle sait parfaitement canaliser. Même haute tenue pour les Fêtes, où la jeune femme va chercher les contre-accents des cors (magnifiques), l’articulation des trompettes et des cors, la mouvance des crescendos. Dans Fil, tout se perçoit, des pianissimos nuageux aux fortissimos éclatants, la précision n’entravant jamais la fluidité des lignes. Un Brahms qui assume son romantisme et sa tension, tout en reposant très justement sur une chacone assumée, achève une demi-heure de bonheur visiblement partagé par des musiciens conquis. Cerise sur le gâteau, la cheffe parvient par sa gentille insistance à faire saluer la compositrice Manon Lepauvre. Outre un premier prix amplement justifié, Bar Avni se voit aussi décerner le Prix de l’orchestre, le Prix Arte, le Prix ECHO – qui a accordé une « mention spéciale » à l’Ukrainienne Olha Dondyk, benjamine du concours (19 ans) éliminée en demi-finale – et le prix des salles et orchestres français. Vivat ! Et rendez-vous en 2026 pour la quatrième édition de La Maestra.

Finale de la 3e édition de La Maestra, Philharmonie de Paris. Le 17 mars.

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