2024-2025 à l’Opéra de Lyon : personnages désemparés, public aventureux

- Publié le 19 mars 2024 à 10:15
Photo : Stofleth / Opéra de Lyon
Avec six nouvelles productions, une reprise et deux créations mondiales, la capitale des Gaules propose une nouvelle saison « aventureuse », qui explore le désarroi individuel et la force du collectif.

« À quoi servent les maisons d’opéra ? » : en introduction de sa présentation de saison, Richard Brunel, directeur général et artistique de l’Opéra de Lyon, s’adresse aux sceptiques de l’art lyrique. Évoquant une responsabilité de service public et soulignant les salles pleines, l’échelle des âges des spectateurs et leur diversité sociale, celui qui est également metteur en scène rappelle que les maisons d’opéra permettent de garder vivantes les grandes œuvres du passé « qui sont notre bien inaliénable, notre bien à tous – un bien public ». Avant de conclure : « s’il fallait une réponse définitive, celle de la pugnacité, nous pourrions affirmer que l’art ne sert à rien, oui, absolument à rien, comme l’amour. Et c’est bien parce qu’il ne sert à rien qu’il est indispensable. » Voilà donc qui est clair.

Preuve de son actualité, la nouvelle saison se penchera sur des personnages désemparés dans des sociétés « dont les grands repères ne fonctionnent plus ». Richard Brunel, qui précise faire une nouvelle fois le pari du « public aventureux », ouvrira ainsi la saison avec sa nouvelle production de Wozzeck de Berg, au côté du directeur musical Daniele Rustioni. Stéphane Degout reprendra le rôle-titre qui lui va à merveille, tandis que la Canadienne Ambur Braid (entendue à Lyon dans La femme sans ombre cette saison) fera ses débuts en Marie. Désarroi individuel et puissance collective toujours avec Peter Grimes de Britten, reprise du spectacle de Christof Loy créé à Vienne en 2015. Le ténor américain Sean Panikkar se glissera dans la peau du pêcheur, tandis que Wayne Marshall sera à la barre.

Daniele Rustioni reviendra ensuite pour la Madame Butterfly de Puccini selon Andrea Breth, une nouvelle coproduction avec Aix-en-Provence, où Ermonela Jaho sera abandonnée par Adam Smith. Aventures amoureuses encore, dans une nouvelle production de Laurent Pelly : Le Turc en Italie de Rossini, avec le très lyonnais Clément Lonca au pupitre, en alternance avec l’Italien Giacomo Sagripanti, qui veilleront sur Adrian Sâmpetrean et Sara Blanch. Puis toujours dans le même thème, un nouveau Così fan tutte de Mozart imaginé par Marie-Ève Signeyrole, avec Tamara Banješević, qui revient à Lyon après Elias cette saison, et qui échangera son amant avec la mezzo Deepa Johnny.

Enfin, l’Opéra de Lyon proposera son traditionnel festival en mars-avril, intitulé en 2025 « Se saisir de l’avenir ». Place au fatum d’abord, avec La Force du destin exercée par le cinéaste Ersan Mondtag et mesurée par Daniele Rustioni, dont Elena Guseva (qui triomphe en ce moment dans La Dame de pique) et Riccardo Massi feront les frais. Ensuite, 7 minutes de Giorgio Battistelli, opéra créé en 2019 qui se déroule dans une usine de textile menacée de fermer, sera représentée ici par Pauline Bayle (Miguel Pérez Iñesta à la direction). Enfin, le festival verra la création mondiale de L’Avenir nous le dira de Diana Soh, qui après The Carmen Case a écrit une œuvre « pour orchestre mécanique et chœur d’enfants » mise en scène pour cette occasion par Alice Laloy.

Notons qu’à toute cette programmation s’ajoutent une production « opéra itinérant » présentée dans un camion doté d’un chapiteau, Le Sang du glacier de Claire-Melanie Sinnhuber, dans une mise en scène d’Angélique Clairand, ainsi qu’un opéra en version de concert, Andrea Chénier de Giordano, avec Daniele Rustioni en chef et Riccardo Massi (actuellement à l’affiche de la Fanciulla del West) en poète. Avec ces six nouvelles productions, une reprise et deux créations, la saison promet assurément d’offrir une « traduction culturelle des temps que nous vivons ».

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