"On doit se remettre en question tous les jours et retourner à la barre tous les jours"

"Toute cette semaine, Claude Bessy se confie au micro des Grands Entretiens. Personnalité incontournable du monde de la danse en France comme à l'étranger, cette forte femme née en 1932 à Paris fut à la fois danseuse étoile, chorégraphe et pédagogue, mais aussi muse, mannequin, et directrice de l'Ecole de danse de l'Opéra national de Paris.

Aujourd'hui, Claude Bessy, rencontrée chez elle en région parisienne, est d'un tonus impressionnant, n'ayant rien perdu de son caractère légendaire et de sa blondeur. Elle raconte sans langue de bois, tout autant les enchantements connus lors de ces quelques soixante années passées à l'Opéra de Paris (les grands ballets, le travail avec Balanchine, Gene Kelly, Skibine, Béjart ou Lifar, l'inauguration de l'école danse à Nanterre...), tout comme les moments de crise (accident de voiture, disparition des êtres aimés et difficultés lors de la publication du rapport établi à la demande du CHS de l'Opéra de Paris au début des années 2000). Une traversée du siècle comme un déboulé par une artiste qui, toujours et encore, tient la barre".

2ème épisode : En 1946, à 14 ans, Claude Bessy intègre le corps de ballet de l'Opéra de Paris en tant que deuxième quadrille. Dans cet après-guerre, on peut de nouveau circuler librement et voyager. Le ballet de l'Opéra de Paris reprend alors ses tournées à l'étranger. La jeune ballerine découvre New York. C'est la liberté, l'abondance après des années de privation.

"On adorait Serge Lifar. Il s'occupait bien de nous, à sa façon (...) Serge Lifar, c'est le grand personnage de ma vie".

"A un moment donné, j'ai pensé à entrer à la Comédie Française. J'avais des exemples de danseuses qui étaient entrées au Français donc ça m'a tenté. Au même moment j'avais un contrat de 9 ans avec Hollywood. J'ai été voir Lifar pour lui demander ce que je devais faire. Il m'a répondu : "Bessy, des jolies filles comme vous, il y en a plein aux Etats Unis, mais des danseuses comme vous il n'y en a pas beaucoup". Je suis donc restée danseuse"

Claude Bessy gravit très vite les échelons de la danse. Elle n'a que 14 ans lorsque Georges Balanchine, en visite à l'opéra de Paris, la remarque et lui propose une variation de soliste, alors même qu'elle n'a jamais dansé seule sur la scène de Garnier.

En 1952, elle auditionne à Londres, à la demande Gene Kelly, pour le film "Invitation à la danse" :

"Durant l'audition, j'ai fait des choses modernes et il m'a engagé pour faire un pas de deux classique. On a tourné pendant 1 mois à Londres (...) Quelques années plus tard, début 1959, il m'a demandé de faire un show à la télévision avec lui. J'en ai profité pour lui demander de faire un ballet pour l'opéra. 6 mois après, il me téléphone et nous propose "Pas de Dieux" sur une musique de Gershwin"