LIVRE : Rossini à la lettre par Grégoire Ayala

- Publié le 29 mars 2024 à 09:06
Rossini à la lettre
Cette monographie puise dans de nombreux documents pour embrasser la vie et l’œuvre du compositeur.

Notre Rossini de chevet, c’est le « mode d’emploi » de Chantal Cazaux (même éditeur). Nous aimons aussi la brève synthèse de Jean-Philippe Thiellay (Actes Sud). ­Grégoire Alaya adopte un autre parti : voici une monographie complète qui, en quelque quatre cents pages, plonge au cœur de la vie et de l’œuvre, à partir de multiples documents, notamment issus de la correspondance – d’où le titre du livre. Il sera donc question de tous les opéras, fussent-ils moins connus, voire mineurs, mais aussi de cantates, celles écrites à l’occasion du Congrès de Vérone, par exemple, ou celle « pour le baptême du fils du banquier Aguado », sans parler évidemment des ­Péchés de vieillesse. 

Humain trop humain

Historien archéologue, l’auteur ne se veut pas musicologue, il n’analyse pas la musique, il la décrit. Fort bien au demeurant : ce connaisseur entretient une profonde intimité avec les partitions. L’homme Rossini est là aussi, humain trop humain, porté sur le beau sexe et la bonne chère autant que sur des intérêts âprement défendus, propriétaire d’un patrimoine patiemment augmenté, traversant les régimes, allergique au désordre, « ni combattant exalté, ni militant idéaliste, ni artiste engagé, ni franchement royaliste ».

Parler de Rossini revient également à parler de tout un arrière-plan, historique et culturel, à évoquer l’histoire de l’Europe quand il est en fonctions au San Carlo, à Paris ou au Liceo musicale de Bologne : rien de tout cela n’échappe à Grégoire Ayala. Partout où il passe, cette Europe fête Rossini comme le compositeur le plus célèbre de son temps, dont le salon accueillera le Tout-Paris. Il faut être vu chez lui, « grand corps malade, souffrant, perclus », sur lequel veille Olympe ­Pélissier, demi-mondaine devenue épouse respectable après la mort d’une Colbran abandonnée à son sort lamentable de diva déchue. N’est-il plus alors qu’un créateur statufié, vestige d’un autre temps ? Quitte à nous surprendre un peu, l’auteur voit au contraire dans les années 1855-1868 le chemin « vers un nouveau langage », ultime étape d’un itinéraire en perpétuelle quête de régénération. De quoi nous rappeler, s’il en était besoin, que cet admirateur fervent de Mozart et de Haydn, mais aussi de Mendelssohn, de Bach et de Rameau, fut toujours un moderne.

Rossini à la lettre par Grégoire Ayala. Premières Loges, 442 p., 25 €.

Diapason