Les deux Quatuors pour piano et cordes de Mozart, tout en délicatesse et en subtilité 

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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Quatuors pour piano et cordes en sol mineur KV 478 et en mi bémol majeur KV 493. Francesca Dego, violon ; Timothy Ridout, alto ; Laura van der Heijden, violoncelle ; Federico Colli, piano. 2022. Notice en anglais, en allemand et en français. 68’ 18’’. Chandos CHAN 20179.

Dans l’intéressante notice qu’il développe, le musicologue Michael O’Loghlin souligne, comme l’avaient déjà fait Brigitte et Jean Massin dans leur biographie de Mozart pour Fayard dès les années 1970, le fait que le compositeur a créé une forme capable de reproduire les textures à la fois du quatuor à cordes et du concerto pour piano, en faisant en même temps entendre sa propre voix, une voix unique. C’est ce que le couple Massin nommait « fusion » entre les genres. Bâtis en trois mouvements avec des finals en rondos, ces pages du milieu des années 1780 forment comme une synthèse de deux univers (quatuors et concertos) dont Mozart avait acquis une incomparable maîtrise. 

Dans le KV 478, Mozart utilise la tonalité de sol mineur, peu fréquente chez lui. On ne la retrouve que dans les symphonies n° 25 KV 183 et n° 40 KV 550 et dans le Quintette KV 516 ; elle enrobe des moments passionnés ou prédisposés à des aspects tragiques. L’Allegro introductif de ce KV 478 est imprégné des deux esprits, il est marqué par sa ferme et vigoureuse introduction, ainsi que par des contrastes entre liberté et tensions enflammées. Le magnifique Andante est plein de douceur et de tendresse, rappelant l’atmosphère distillée dans les concertos pour piano. Quant au Rondo conclusif, Allegro moderato, il s’épanouit entre joie, richesse sonore et élans chaleureux.   

La jeune équipe formée ici est internationale. Originaire de Lecco, la violoniste italo-américaine Francesca Dego (°1989) est connue pour sa riche sonorité. Elle a notamment gravé, pour DG et Chandos, d’éblouissantes pages de Paganini. Le natif de Londres Timothy Ridout (°1995), altiste qui s’est perfectionné auprès de Nobuko Imai après sa formation anglaise, est un chambriste recherché, qui a enregistré plusieurs fois pour Harmonia Mundi. Née dans le Sussex de père néerlandais et de mère suisse, la violoncelliste anglaise Laura van der Heijden (°1997), qui a aussi étudié le piano, bénéficie d’une sonorité chaleureuse. Quant au pianiste italien Federico Colli (°1988), originaire de Brescia, il a été premier prix du Concours Mozart de Salzbourg en 2011. Il a déjà été remarqué dans des gravures Bach et Scarlatti.

Ces quatre artistes ont un réel sens du partenariat, chaque instrument apportant aux autres une attention respectueuse qui apporte un bel équilibre d’écoute. Les cordes sont alertes, le toucher de Federico Colli est particulièrement léger. Le même éloge est valable, sinon encore plus, pour le second quatuor, KV 493, achevé en juin 1786. Il est globalement plus charmant que son prédécesseur. Il dégage en tout cas un effet de conversation, à la saveur délicate, entre les instrumentistes, un dialogue à la fois affirmé et chantant dans l’Allegro, éblouissant dans un Larghetto aussi fluide que subtil, et résolument joyeux dans l’Allegretto final, encore une fois dans un style proche des concertos pour piano.  

Les Quatuors pour piano et cordes ont été gravés à maintes reprises. Dans ce palmarès varié, on citera des anciens comme Artur Schnabel et les Pro Arte, Mieczyslaw Horszowski et des membres du Quatuor de Budapest, Artur Rubinstein et des Guarneri (que nous aimons particulièrement), ou Yehudi Menuhin avec Fou Ts’ong, Walter Gerhardt et Gaspar Cassado. Il y a encore l’équipe Ax-Stern-Laredo-Ma, ou celle de Badura-Skoda avec les Festétics. Sans oublier des témoignages, comme celui de George Szell et des membres du Quatuor Budapest, et, surtout, un passionnant Sir Georg Solti avec les Mélos. On pourrait en mettre d’autres en évidence : Jean-Philippe Collard et des membres du Quatuor Muir, Jane Coop et l’Oxford String Quartet, Paul Lewis et le Leopold String Trio, Jean-Claude Pennetier et le Quatuor Ysaÿe… Liste non limitative.

L’équipe du présent album Chandos trouve une place méritée dans cette panoplie de références souvent excellentes. Elle a pour elle sa part de jeunesse, de véritable échange d’écoute chambriste et de subtilité sans la moindre sophistication. Les Quatuors pour piano et cordes de Mozart ont de la chance : ils bénéficient d’une discographie de haute qualité. 

Son : 9  Notice : 9  Répertoire : 10  Interprétation : 9

Jean Lacroix 

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