A la Salle Gaveau, le Nabucco frémissant de Placido Domingo

- Publié le 9 avril 2024 à 11:29
A quatre-vingt-trois ans, entouré par une formidable équipe de jeunes chanteurs, le baryton superstar a gardé intacte sa force d'incarnation.
Nabucco de Verdi

Il règne toujours une ambiance très festive lors les concerts organisés avec Placido Domingo à Paris. Bien sûr, c’est avant tout pour voir et entendre cette icône que jeudi dernier, le public s’est pressé si nombreux à la salle Gaveau. Jouer un opéra comme Nabucco en version de concert sur cette scène peu adaptée à l’accueil de tels effectifs, est un pari ambitieux. Pourtant, la soirée a réservé de grands moments.

Domingo ayant désormais quatre-vingt-trois ans, on ne peut juger sa prestation qu’en admirant de ce qu’il est toujours en mesure d’offrir : son timbre légendaire et chaleureux, au service d’une incarnation sincère qui atteint des sommets dans plusieurs passages particulièrement émouvants où il fait corps avec son personnage – une scène de folie tout en frémissements, des accents très touchants dans le duo avec sa fille, une troublante prière à Jehovah.

Timbre mordant

Le baryton superstar a surtout réuni autour de lui une équipe de jeunes artistes exceptionnels. La Russe Olga Maslova s’impose dès les premières mesures comme une saisissante Abigaille, se jouant de cette tessiture mortelle, d’une aisance confondante dans les redoutables sauts d’intervalles. Le timbre est mordant comme il le faut, et le chant, jamais forcé, sait aussi s’adoucir en de souples et délicats pianissimi. Tout juste devra-t-elle perfectionner la précision de ses trilles et vocalises.

On est également sous le charme de Marko Mimica, basse de grande classe qui triomphe en Zaccaria, grâce à son émission nette, à sa ligne élégante, à ses graves profonds et ses aigus triomphaux. La Fenena d’Elmina Hasan séduit également par la richesse d’un mezzo sublimement velouté. Matteo Roma, ténor lyrique clair et bien projeté, assume de son côté avec vaillance le rôle d’Ismaele – même si son étoffe légère le destinerait plus naturellement à Nemorino. L’Anna de Lucie Peyramaure se distingue par la pureté de son soprano, l’Abdallo d’Emilien Marion par son assurance. Et si le rôle du Grand Prêtre n’offre que quelques phrases à la basse coréenne Inho Jeong, elles sont loin de passer inaperçues.

L’Orchestre Colonne à son meilleur

Bien préparé par son chef Till Aly, et visiblement plein d’ardeur devant la tâche qui lui était confiée, le Chœur de Paris, éparpillé jusqu’au balcon, ne démérite pas. Mais cet ensemble amateur ne possède ni le moelleux, ni la profondeur, ni la variété de dynamiques véritablement requis, sa sonorité paraissant souvent émaciée, en particulier dans les passages les plus doux.

Très attentif à ses solistes, le chef Leonardo Sini, peine toutefois à maintenir la cohésion de ses diverses troupes, ce qui donne lieu par instants à quelques légers cafouillages. Mais malgré une acoustique qui ne tend guère à valoriser les textures symphoniques, l’Orchestre Colonne soutient efficacement les chanteurs, tout en offrant une vigoureuse ouverture, une marche funèbre d’une poignante noblesse et de beaux accents dans les solos.

Nabucco de Verdi. Paris, salle Gaveau, le 4 avril.

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