Denis Pascal : "Schubert pose des questions personnelles et existentielles chez un musicien"

Le pianiste Denis Pascal - Jean-Baptiste Millot
Le pianiste Denis Pascal - Jean-Baptiste Millot
Le pianiste Denis Pascal - Jean-Baptiste Millot
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Avec ce troisième volume en solo consacré à Schubert, Denis Pascal achève son exploration des trois dernières sonates du compositeur, une musique où il perçoit une architecture vertigineuse. Rencontre avec ce pianiste et pédagogue recherché, qui a aussi récemment défendu Jean Wiéner au disque.

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Denis Pascal a pris le temps pour aller au bout de son projet, ou plutôt sa "recherche", comme il préfère dire. Après de nombreux concerts dédiés à Schubert et un pré-enregistrement de sa Sonate D960, le pianiste a fait paraître, il y a sept ans, son premier volume consacré aux œuvres pour piano du compositeur (label La Musica).

Il nous offre aujourd'hui un troisième opus : son interprétation des Drei Klavierstücke D946 et de la Sonate en ut mineur D958, la première du triptyque que forment les trois ultimes sonates écrites dans la fièvre des dernières semaines, en septembre 1828. "Cette sonate est la plus dense des trois d'un point de vue pianistique. C'est peut-être la moins Schubertienne, la plus violente, la plus dramatique." Dramatique, comme le "rouge sombre" qui, pour le pianiste, caractérise la tonalité de do mineur. "Il y a cette course dans le final, cette longueur aussi, la violence des contrastes, l'enchaînement rapide des modes majeur et mineur qui donnent le vertige. C'est un condensé émotionnel."

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L'urgence de composer

Denis Pascal voit dans ces pages de Schubert une urgence, certes, mais surtout la constance du désir d'écrire. Il est rare de parler de Schubert sans évoquer Beethoven, et pourtant son langage est singulier. "Je pense que le flux expressif, le flux musical de Schubert est tellement différent ! Il est d'une autre nature." En effet, Schubert laisse derrière lui une œuvre de jeunesse qui allie la douceur à une profondeur et une intensité saisissantes. "Il y a un référentiel chez Schubert, celui de la voix. Lui-même avait une jolie voix, jeune, et je pense que cette éducation à travers le chant fait la différence avec d'autres compositeurs. Sa musique reste dans la tête, dans l'oreille, dans le cœur. Il se laisse aller à la douceur du chant".

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Transmettre, une mise en perspective de la scène

S'étant formé auprès de grands musiciens comme György Sebök, János Starker ou György Sandor, Denis Pascal a surtout été l'élève de Pierre Sancan durant ses dernières années au Conservatoire de Paris. Il retient de lui sa prestance, son autorité, son charisme mais également sa douceur, son côté rêveur, lui qui chantait aussi. Et la plus grande leçon de pédagogie qu'il garde de son maître est peut-être l'apprentissage d'une pensée libre et indépendante, qu'il souhaite à son tour transmettre : "J'ai voulu enseigner pour essayer de comprendre, pour démonter les choses et affranchir le musicien des préjugés." Un souci d'analyse et de réflexion qu'il insuffle à ses élèves sans perdre de vue l'aspect instinctif de la musique enseigné par Pierre Sancan : "Il avait bien compris que le geste pouvait libérer la pensée". Des mots qui continuent de l'accompagner lui-même en concerts : "enseigner permet de mettre en perspective ce que l'on peut produire sur scène."

Schubert et Wiéner, de la mélancolie viennoise à la nostalgie parisienne

Si Denis Pascal explore la musique du compositeur viennois depuis longtemps, il s'est également pris de passion depuis son jeune âge pour un compositeur français du XXe siècle beaucoup moins connu, mais non moins extraordinaire : Jean Wiéner. Elève de Fauré, improvisateur et pianiste, grand observateur de son temps, Jean Wiéner a signé des centaines de musiques de film, écrit de nombreuses mélodies typiquement françaises ainsi que de la musique inspirée des rythmes afro-américains. Denis Pascal fait sa connaissance en 1980 à Albi, sans savoir qu'il lui consacrera, bien plus tard, plusieurs enregistrements. Wiéner Blues, son deuxième album sorti en septembre 2023 chez La Musica, est un hommage à la "singulière beauté" (livret) de sa musique. "Jean Wiéner était un grand musicien, d'une sensibilité extrême. Dans les Quatre petites pièces radio, mes œuvres préférées, on a toute l'échelle du cœur de la musique. Jean Wiéner était un compositeur particulièrement musicien, rond avec l'expression. Il a aussi cette mélancolie, cette tristesse qui siéent à Paris, où il a vécu". Et à la question de savoir si les deux hommes partagent ces qualités, Denis Pascal répond sans trop réfléchir : "La douceur, ça dépend. La nostalgie ? Pas trop non plus. Je suis plutôt tourné vers la suite."

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