Florian Noack : Tintin au pays des transcriptions

- Publié le 16 avril 2024 à 10:10
Belge comme le célèbre héros d’Hergé, Florian Noack a un amour fou pour la transcription. A cet art singulier, il consacre son nouvel album couronné le mois dernier d’un Diapason d’or.
Florian Noack. « I Wanna Be Like You »

Souriant en permanence, doux, candide, amateur de magie (si vous le rencontrez à la sortie d’un concert, mettez-le au défi, rien ne lui fera plus plaisir), ­Florian Noack semble sorti de nulle part : point de grandes écoles ni de concours rutilants, mais des disques, fréquemment remarqués par la rédaction de Diapason – notamment. Avec ce dernier volume, joyeux méli-mélo de transcriptions comme on n’en fait plus, n’est-ce-pas la première fois qu’un Diapason d’or est accordé à un album portant le titre d’une chanson de Disney ?

Florian Noack : L’œuvre à laquelle vous faites référence (« I wanna be like you ») est un clin d’œil général à la démarche de transcription – l’imitation, la paraphrase – qui sous-tend ce disque. Tout part d’une tradition de Noël, dans ma famille : on pioche le nom d’une personne à qui on offrira un cadeau substantiel. En 2019, c’est tombé sur ma sœur, admirable pianiste amatrice, inconditionnelle de l’univers Disney pour qui j’ai entamé cette relecture. Au fil des ans, la partition s’est étoffée et – je le dis avec un peu de honte – s’est très vite transformée en cadeau pour moi-même. 

Et quand on pioche dans le catalogue de Disney, on ne doit pas payer des droits colossaux ?

F.N. : Dans ce cas précis, c’est vraiment compliqué, dans la mesure où la chanson est devenue un standard de jazz. Un grand avocat, spécialiste du droit intellectuel, m’a dit un jour : « tant que ton arrangement n’a aucun succès, personne ne viendra t’embêter » ! J’imagine donc que l’œuvre fait partie du pot commun de l’humanité, alors que des pièces de Chostakovitch et Stravinsky appellent une autorisation qui, dans ce dernier cas, m’a été vertement refusée.

D’où vous vient cet amour de la transcription ?

F.N. : Adolescent, je rêvais de composer. Et focalisé sur la technique, mon délire était d’écrire à la manière des romantiques. Alors j’essayais, je cherchais les textures, les combinaisons de doigts et – surtout – l’habillage de la mélodie. Le décorum, si l’on veut. Un jour, en entendant l’Ouverture de Roméo et Juliette de Tchaïkovski dans sa version orchestrale, je me suis dit : « voici le terrain de jeu pour précipiter toutes tes velléités. » L’ayant jouée en concert, j’ai été très convaincu de la démarche. Mais l’idée m’habite ­depuis que je suis tout petit ; j’ai souvenir d’avoir transcrit, par exemple, des chansons d’Ivan Rebroff.

Qu’est-ce que cette inclinaison dit de vous ?

F.N. : On parle d’Ivan Rebroff ou de la transcription ? Concernant cette dernière, ma pudeur aurait tendance à se cacher derrière le titre d’une nouvelle de Borges : Le Miroir et le masque. Pour le récompenser d’avoir réécrit par trois fois une ode à sa gloire, un roi offre au poète successivement un miroir, puis un masque avant de lui offrir un poignard. Dans ce cas, on mesure la poésie qui consiste à déguiser une œuvre. Et puis il y a une forêt de détails personnels qu’on tente un peu de cacher au milieu des thèmes plus connus. 

Il y a comme un rapport conservé à l’enfance ?

F.N. : Dans une interview, Jacques Brel dit qu’on rêve l’essentiel de notre vie entre dix et douze ans, et qu’ensuite, on passe son temps à essayer de reconnecter, d’une manière ou d’une autre, avec ce qui s’est dessiné alors. 

Lire la suite dans le numéro 732 de Diapason, actuellement en kiosque.

Diapason