A Venise, le Palazzetto Bru Zane célèbre Fauré

- Publié le 18 avril 2024 à 16:17
Le Centre de musique romantique française inscrit Fauré au cœur de la programmation de son festival de printemps, auquel devraient faire écho plusieurs réalisations discographiques.
Marie-Andrée Bouchard-Lesieur et Marc Leroy-Calatayd à l'Auditorium Pollini de Padoue

Formé, à l’école Niedermeyer, par un Saint-Saëns de dix ans son aîné qui accompagnera ensuite ses premiers pas dans les salons parisiens, Gabriel Fauré (1845-1924) enseignera, à partir de 1896, au Conservatoire de Paris, où il va un peu plus tard succéder comme directeur à Théodore Dubois. Garnis de raretés, les programmes conçus par Alexandre Dratwicki et l’équipe du Palazzetto Bru Zane, mettent en miroir sa musique avec celle de ses contemporains et surtout de ses élèves.

Soprano soyeux et ensoleillé

A l’Auditorium Pollini de Padoue, deux de ses mélodies avec orchestre ainsi que Dolly (dans l’orchestration réalisée en 1906 par Henri Rabaud) dialoguent avec des pages de Debussy, Massenet, Duparc, Franck, Dubois ou Waldteufel, dont l’immortelle Valse des patineurs se trouvait déjà réunie à la Valse du Timbre d’argent de Saint-Saëns dans les « Nuits de Paris » gravées par François-Xavier Roth pour le Palazzetto Bru Zane. L’Orchestra di Padova e del Veneto, guidé par Marc Leroy-Calatayud, qui dirigeait en 2022 les représentations d’O mon bel inconnu de Hahn à l’Opéra de Tours, découvre la plupart de ces œuvres. Ni l’acoustique sèche de la salle, soulignant des violons assez brouillons et des solos prosaïques du cor et de la flûte, ni les tempos vifs pourtant piégeux privilégiés par le chef, n’entament l’enthousiasme des musiciens. Soyeux et lumière joliment variée du timbre, caractérisation très soignée, la mezzo Marie-Andrée Bouchard-Lesieur séduit autant dans le badinage léger (Aimons-nous de Saint-Saëns) que dans les nuances subtiles de la mélancolie (Le Poète et le Fantôme de Massenet).

Avec vue sur la mer

A l’Auditorium Lo Squero de Venise, accolé à la Fondation Giorgio Cini et dont la scène a pour fond une paroi vitrée ouvrant sur la baie, deux quatuors avec piano se font écho le lendemain. A l’Opus 16 d’un Enesco de vingt-huit ans répond ainsi l’Opus 15 composé par un Fauré de trente-cinq ans. Trois jeunes musiciens en résidence à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth, la violoniste Hawijch Elders, l’altiste Natanael Ferreira et le violoncelliste Aleksey Shadrin, y entourent le piano toujours aussi magnifiquement timbré et fluide de Frank Braley. L’Andante mesto du cadet laisse clairement transparaître un hommage au maître révéré, à travers les méandres d’une mélodie chargée d’accents sombres et les contours flottants de l’écriture harmonique. Ce mouvement lent, tout comme l’Adagio sur lequel se referme l’Opus 15 de Fauré, atteste, par le dosage des sonorités et la fermeté du trait, la belle complicité des interprètes. On remarque une plus grande finesse de texture chez l’aîné, qui laisse davantage respirer l’alto que la trame, plus serrée, du disciple. Le mordant et l’intensité impeccable des archets, particulièrement en situation dans le Vivace conclusif chez Enesco, sont un régal.

Au Palazzetto Bru Zane de Venise, suivront le vendredi 19 avril Alexis Kossenko et Vassilis Varvaresos dans des pages pour flûte et piano (Fauré, Koechlin, Cools, Casella, Masson – concert capté et diffusé en replay sur le site du Palazzetto Bru Zane), le 7 mai le Duo Domo dans des œuvres pour violoncelle et piano (Fauré, Roger-Ducasse, Nadia Boulanger, etc.) et le 23 mai les Artistes de l’Accademia Teatro alla Scala dans des quatuors avec piano (cette fois l’Opus 45 de Fauré et l’Opus 10 de Boëllmann). Enfin, signalons aux Parisiens, le concert donné le 23 mai à l’Amphithéâtre Olivier Messiaen de l’Opéra Bastille : les Artistes de l’Académie de l’Opéra national de Paris y chanteront à leur tour « Fauré et ses élèves ».

Padoue, Auditorium Pollini, le 11 avril, 20 h 45 et Venise, Auditorium Lo Squero, le 13 avril, 16 h 30.

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