Réédition : Paavo Berglund, The Warner Edition

- Publié le 23 avril 2024 à 14:23
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Le coffret de 42 CD dans lequel Warner a réuni tout ce que Paavo Berglund a enregistré pour Emi et Finlandia permet la redécouverte de nombreux trésors.

Formé, comme violoniste, à Helsinki puis à Vienne, où les concerts dirigés par Wilhelm Furtwängler le fascinèrent, Paavo Berglund (1929-2012) fut un chef atypique. Gaucher, il inversait volontiers les gestes de signal, la main droite prenant le rôle dévolu à la gauche (phrasé, nuances). Il n’a pas eu le parcours d’un météore (Guido Cantelli, Carlos ­Kleiber), ni celui d’une étoile montante (Simon Rattle, Esa-Pekka Salonen). Figure discrète et paternelle dont la carrière se déroula pour l’essentiel en Scandinavie, il est devenu, dès les années 1970, une référence incontournable dans son répertoire de prédilection : la musique nordique, britannique et russe de la deuxième moitié du XIXe siècle et de la première moitié du suivant.

Citons les concertos pour violon de Sibelius, Walton, celui – splendissime référence – de Britten avec la grande Ida Haendel, les deux pour piano (avec Cristina Ortiz) et le 1er pour violoncelle (avec Tortelier) de Chostakovitch, et, dans une moindre mesure, le Double de Brahms (avec Menuhin et Tortelier) sans oublier le 3e de Rachmaninov avec Leif Ove Andsnes : ils révèlent un aspect moins connu de l’art du chef finlandais, celui d’accompagnateur exemplaire. 

De glace et d’acier

Sa préférence pour certaines des symphonies les plus âpres, sombres et conflictuelles du XXe siècle éclate d’évidence. Elle nous vaut une sévère et altière 5e de Nielsen, de formidables 4e et 6e de Vaughan Williams, faites de glace et d’acier mais aussi pénétrées d’inquiétudes métaphysiques, ou encore une 10e de Chostakovitch qui respire large malgré sa densité, et frappe par son exceptionnelle hauteur de vue.

Paavo Berglund demeure un des plus grands interprètes de la musique de Sibelius, qui fut sa véritable passion : il enregistra trois intégrales des sept symphonies auxquelles s’ajoute une vaste anthologie (Kullervo, poèmes symphoniques, musiques de scène), avec parfois plusieurs versions d’une même partition. Tout ou presque est de premier ordre dans le légendaire premier cycle réalisé avec le Bournemouth Symphony (quand il en était le directeur musical entre 1973 et 1979), le plus foisonnant d’idées. On se bornera ici à citer ses hautaines et granitiques Symphonies nos 4, 6 et 7

Ce sont d’ailleurs les mêmes, ainsi que certains poèmes symphoniques également traversés du grand souffle mais davantage fluides et aériens (La Fille de Pohjola, Le Barde, Luonnotar), qui surplombent l’intégrale d’une eau froide et pure avec le Philharmonique d’Helsinki (années 1980). Berglund, dans sa troisième intégrale, avec l’Orchestre de chambre d’Europe, ne cessera d’explorer et d’exalter la croissance organique et l’invention sonore d’une telle musique, notamment dans d’ascétiques et lumineuses 4e et 6e.

« Paavo Berglund, The Warner Edition ». Warner, 42 CD. Diapason d’or

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