Vincent Dumestre : "Aujourd'hui, comme au XVIIe siècle, le théâtre est dans la musique"

Le luthiste et chef d'orchestre Vincent Dumestre - (c) DR
Le luthiste et chef d'orchestre Vincent Dumestre - (c) DR
Le luthiste et chef d'orchestre Vincent Dumestre - (c) DR
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Théorbiste et chef d'orchestre, Vincent Dumestre sera dimanche à l'Opéra Royal de Versailles pour un concert dédié aux Vêpres à la Vierge de Monteverdi. Il fait également paraître un disque consacré au dernier chef-d'œuvre de Lully, Armide, disponible dans quelques semaines.

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C'est un musicien qui aime plus que tout le mélange des arts, les liens que la musique peut tisser avec la danse, le théâtre, le cirque, les marionnettes. A la tête du Poème Harmonique depuis plus de vingt cinq ans, Vincent Dumestre ne cesse de s'épanouir dans l'exploration, la découverte, l'interprétation de pages musicales du premier baroque, français et italien, qu'il aime passionnément. Il interprétera bientôt les Vêpres à la Vierge de Monteverdi à l'Opéra de Versailles, une refabrication à partir des vêpres laissées par le compositeur dans son testament musical, La Selva morale e spirituale.

Une recréation des Vêpres

Comme le rappelle Vincent Dumestre, parler de "vêpres" de Monteverdi ne renvoie pas à une composition en particulier, celle de 1610 par exemple, mais bien à toutes les vêpres qu'il a écrites durant son existence. "Et sa vie a été longue ! Les Vêpres de Monteverdi, ce sont toutes celles qu'il a composées, jouées, arrangées, transformées au cours de sa vie. Malheureusement, nous avons peu de traces de cela. Je souhaitais donc creuser ce que Monteverdi avait fait de vêpres en général. On oublie souvent que c'est l'imprimerie qui, à l'époque, décide de la postérité. Les vêpres de Monteverdi que le hasard a fait imprimer sont celles de 1610, ses premières à Mantoue, et celles que l'on trouve dans la Selva Morale, recueil d'oeuvres sacrées dans lequel il laisse les psaumes qui constituent le squelette des vêpres. Nous avons reconstitué les vêpres à partir de ces psaumes, en utilisant notamment le Pianto della Madonna comme motet". Une reconstitution au plus proche du travail qu'a pu faire Monteverdi pour l'écriture de ses premières vêpres, et tout au long de sa vie jusqu'en 1643, année de sa mort, à Venise. "On recrée avec une grande humilité par rapport à la composition de Monteverdi, en essayant de comprendre comment il fonctionnait, tout simplement".

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Misteria Paschalia, festival baroque à Cracovie

Ces Vêpres à la Vierge de Monteverdi résonneront bientôt à Versailles, mais ont déjà été données à Cracovie, lors de l'édition 2024 du festival baroque Misteria Paschalia, dont la direction a cette année été confiée au chef d'orchestre français. "Nous avons joué dans la basilique Sainte-Marie, une église de style gothique qui a évolué et qui est devenue un endroit absolument fascinant à Cracovie, sur la place du marché, une place historique incroyable". Cracovie est chère à Vincent Dumestre, une source d'inspiration pour son patrimoine, ses musées, la profusion de ses églises et l'engouement des gens devant l'art. "J'ai pu proposer au public des choses extraordinaires, des grands concerts de musique sacrée mais aussi une programmation alternative avec des rencontres autour du clavecin, comme une folle journée du clavier avec des masterclasses, des workshops, des récitals".

Du théâtre dans la musique

Au cœur de l'ambition de Vincent Dumestre se trouve cette volonté constante de proposer une expérience au public, de l'immerger dans ce que raconte la musique, dans ce qu'elle a de vital et de vibrant. "Nous vivons à une époque où, comme au XVIIe siècle, le théâtre est dans la musique, pas seulement dans l'écriture musicale mais dans le moment musical. Nous voulons que le public, lorsqu'il s'assoit dans une salle de concert, vive une véritable expérience. J'ai vu des gens pleurer à ce concert de Vêpres, et ce n'était pas seulement la force de la musique : nous avons travaillé sur les lumières, sur ce retable extraordinaire qui s'est ouvert au moment du Pianto della Madonna, sur tout ce qu'on avait de matière théâtrale. C'est finalement quelque chose de complètement baroque. A l'époque, la musique n'était pas distincte des arts théâtraux. La danse en faisait partie et tout était théâtre dans le moment musical". 
Une dimension encore plus évidente dans l'opéra, et notamment dans le disque Armide de Lully qui sortira dans quelques semaines sur le label Château de Versailles Spectacles, avec Stéphanie d'Oustrac dans le rôle-titre. Vincent Dumestre désirait s'emparer de cette oeuvre depuis longtemps, après Le Bourgeois gentilhomme et Phaéton. "Armide est la dernière tragédie lyrique de Lully, la plus aboutie, la plus puissante sur le plan psychologique, très moderne". Et si le chef d'orchestre s'est jusqu'ici consacré à la musique française et italienne, le baroque allemand lui fait de l'oeil. Il enregistrera son premier Bach l'année prochaine, le Magnificat, qu'il aime depuis son plus jeune âge.

Les grands entretiens
27 min

28 avril à 15h - Selva morale e spirituale, Monteverdi Testamento à l' Opéra Royal de Versailles 
24 mai - Sortie de son disque Armide de Lully sur le 
label Château de Versailles Spectacles

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