Anja Linder : "J'aime Schubert car il transcende la douleur et en fait surgir la lumière"

La harpiste Anja Linder - Alexy Benard
La harpiste Anja Linder - Alexy Benard
La harpiste Anja Linder - Alexy Benard
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C'est à Schubert que la harpiste Anja Linder consacre son nouvel album. La musicienne, qui joue sur un instrument adapté à son handicap après un accident en 2001 qui la prive de l'usage de ses jambes, se produira en septembre en clôture des Jeux Paralympiques de Paris 2024.

Anja Linder est harpiste, et pourtant ce sont des œuvres pour piano qu'elle enregistre, entre autres, dans son dernier album Schubert, paru chez Naïve. Au programme : le célèbre Trio pour piano n°2 ou encore la Sonate Arpeggione, qu'elle arrange et interprète aux côtés du violoniste Laurent Korcia et de la violoncelliste Julie Sévilla-Fraysse.

Faire surgir la lumière avec Schubert

C'est avec la musique de Franz Schubert qu'Anja Linder remporte en 1999 le concours international de harpe à Arles. Le "Nachstück" interprété par la harpiste et la soprano Nathalie Gaudefroy séduit le jury, alors composé de Marielle Nordmann et de Laurent Petitgirard. "C'est un morceau porte-bonheur pour moi. Franz Schubert a quasiment jalonné toute ma vie" confie Anja Linder, qui éprouve une profonde connexion avec le compositeur : "Ce qui me lie à lui, c'est le rapport à la douleur : un rapport qui transcende, qui s'empêche de rester englué dedans. Parvenir à en faire surgir la lumière : c'est ce qui ressort de son œuvre. Schubert ne se complaît jamais dans la douleur. Il l'oriente et en fait un matériau pour atteindre la plus grande beauté. Dans ma reconstruction, c'est quelque chose vers lequel je tendais, c'est-à-dire n'avoir aucune aigreur, n'avoir aucune colère envers la vie, envers les autres, et tendre vers la beauté de la vie. C'est pour cela que j'ai choisi Schubert."

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L'Anjamatic

La harpiste Anja Linder pensait ne jamais pouvoir se produire à nouveau après un accident qui la prive de l'usage de ses jambes en 2001. Elle parvient pourtant à rejouer grâce à un instrument adapté : l'Anjamatic, une harpe électropneumatique. Parce que les pieds jouent un rôle essentiel dans la pratique de la harpe (presque autant que les mains), il a fallu trouver un subterfuge : remplacer les sept pédales qui correspondent aux sept notes de la gamme par un système piloté par ordinateur. Après cinq années d'élaboration avec Jean-Marie Panterne et Marc Lamoureux, la harpe électropneumatique d'Anja Linder voit le jour. "Je programme à l'avance les altérations dont j'ai besoin sur une tablette qui fonctionne en Bluetooth. Avant, je parvenais à appuyer sur une pédale avec le pied, mais maintenant il ne fonctionne plus. Nous avons remplacé cette pédale par un câble que j'actionne avec ma bouche mais, j'aimerais que ce soit plus discret et plus fiable. J'ai rencontré un dentiste de la NASA qui travaille à l'élaboration de prothèses dentaires, permettant aux militaires dans les avions de chasse de mitrailler avec les dents. Il paraît qu'ils ne peuvent pas conduire et mitrailler en même temps. Moi je souhaite simplement changer d'altération en même temps que je joue, c'est plus heureux !" plaisante la musicienne.

L'insoutenable légèreté de la musique

Après des études de lettres à Strasbourg, Anja Linder cultive une passion pour la littérature. En 2015, elle enregistre avec son amie Frédérique Bell, Regards Imaginaires, un album consacré aux textes de Milan Kundera, mis en dialogue avec des œuvres de Schumann, Chopin, Brahms, Dvorak, Tárrega ou encore Tailleferre. Alors que l'auteur refuse une centaine de projets par an, il décide d'offrir ses droits aux deux jeunes femmes : "Je lui ai envoyé une demande pour l'adaptation de  l'Insoutenable légèreté de l'être. Dix jours plus tard, il m'appelait. « Que puis-je faire pour vous en plus de vous donner mes droits ? » a-t-il dit. J'étais figée, je crois que c'est la personne que j'admire le plus au monde. Alors, j'ai demandé à le rencontrer." Voici la formule gagnante d'Anja Linder : de l'audace, de la lumière et une insoutenable légèreté musicale !

À retrouver : l'album Schubert paru chez Naïve Records.

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